Près de Castres. Un gendarme tire dans les roues après un refus d'obtempérer, le tribunal le relaxe
Un gendarme de la brigade de Labruguière (Tarn) était jugé ce mardi 17 septembre 2024, pour avoir tiré dans les roues d'un véhicule commettant un refus d'obtempérer en mai 2023. Les juges l'ont relaxé.
Publié : 18 septembre 2024 à 10h52 par Axel Mahrouga
Cette soirée du 13 mai 2023, tout est allé très vite. Le véhicule d'abord, pris en chasse par les gendarmes, entre Labruguière et Viviers-les-Montagnes (Tarn). Et l'intervention, à hauteur du 4x4 des fuyards, d'un adjudant-chef de 47 ans de la brigade sud-tarnaise.
Ce soir-là, le militaire et son binôme étaient postés sur la D621, en début de nuit, pour procéder à un contrôle de vitesse. Lorsque, sur cette route limitée à 80 km/h, un véhicule déboule à près de 120 km/h. Les deux gendarmes tentent de les rattraper et, devant eux, le conducteur multiplie les manœuvres dangereuses : des embardées en milieu de route voir sur la voie opposée, feux éteints, à une vitesse plus qu'excessive. En moins de 10 minutes, les fuyards parcourent 13 km.
Il est alors 23h passés, quand le 4x4 prend la direction de Massaguel et finit sa course dans un fossé. Les gendarmes, gyrophares allumés et 2 tons enclenchés, se mettent alors derrière le véhicule accidenté. L'adjudant-chef prévenu ce jour devant le tribunal, sort, se met du côté droit du véhicule qui tente de se faire la malle. 8 coups de feu partent. "L'objectif du tir était l'immobilisation du véhicule", commence à développer le militaire.
"J'ai focalisé mon tir uniquement sur le pneumatique"
Ces tirs, entraient-ils dans le cadre réglementaire posé notamment par le code de la sécurité intérieure ? "Je ne suis pas sûr que je sois dans l'usage", a déclaré le militaire ce soir-là à son collègue. Devant les juges, il commence à expliquer les raisons qui l'ont poussé à faire feu. " J'ai focalisé mon tir uniquement sur le pneumatique ", argue l'adjudant-chef.
À la barre, il décrit ces quelques minutes à hauteur des fuyards. Arme en main, " je sors du véhicule pour me mettre en appui au niveau de la roue avant droite ". Pourquoi avoir sorti le pistolet de son étui s'interroge l'un des assesseurs ? "C'est un principe de précaution, on est de nuit, je ne sais pas à qui nous avons affaire". Pourquoi avoir tiré spécifiquement sur les pneus ? "On peut arrêter un véhicule en tirant dans les pneumatiques ou dans le bloc-moteur, mais avec un 9 mm, je n'aurais pas pu l'arrêter en tirant dans le moteur". "Ici, vous avez un cas d'école de ce qu'on vous apprend en école de gendarmerie", soutient son conseil.
Dans le dossier, le tribunal disposait de l'enregistrement de la caméra piéton du militaire. Si, selon les juges, les images ne permettent pas de reconstituer entièrement la scène, l'enregistrement sonore permet cependant de confirmer que le véhicule avait un "régime moteur très élevé", au moment où le gendarme arrive à hauteur. Le 4x4 des prévenus fait une marche arrière puis repart en avant. Les balles sont tirées, 4 dans la roue avant, 4 dans la roue arrière.
Le militaire relaxé
Lors de ses auditions, le passager du 4x4 confirme. "Il ne nous visait pas, il visait entre la roue et l'aile". Mais pourquoi 8 balles ? "Je ne suis pas tireur du GIGN pour confirmer mon tir en une seule munition". En 25 ans de carrière, ce soir-là, c'était la première fois que le quadragénaire faisait feu en situation réelle.
Le militaire, "bosseur et bon gradé d'encadrement" selon le témoignage de son Major pendant l'enquête et à jour dans ses formations aux armes à feu a dû se mettre en arrêt pendant 1 mois après cette nuit-là. Il est aujourd'hui toujours en service. " Ma hiérarchie ne m'a donné aucune sanction, j'ai le même poste dans la même unité, toujours sur le terrain".
Le ministère public, pourtant à l'origine des poursuites au moment des faits, plaide, en début de soirée, la relaxe. "C'est une situation singulière" admet Freddy Marta, substitut du procureur de Castres. Le parquetier ne soulève "aucune complexité factuelle, mais une complexité d'appréhension juridique" dans ce dossier et conclut que " les 3 conditions du recours à l'usage des armes sont remplies".
Un point de vue partagé par l'avocat du militaire, maître Laurent-Franck Liénard, conseil notamment du fonctionnaire auteur du tir mortel sur le jeune Nahel à Nanterre le 27 juin 2023. " Il ne veut pas faire mal, à créer un effet de peur. Il a cherché à créer un effet mécanique pour que le véhicule ne reparte pas", plaide l'avocat.
Maitre Arnaud Bousquet, conseil des deux jeunes fuyards, dont le conducteur déjà sanctionné par la justice pour ce refus d'obtempérer, relate, quant à lui, "l'état de stress permanent" crée chez ses deux clients. "Le conducteur, il a fauté, mais aujourd'hui, il est la victime d'une personne qui a outrepassé ce qu'il devait faire".
En fin de soirée, le tribunal tranchera en relaxant l'adjudant-chef.