Toulouse. "Nos clients vont devenir des colis", 300 taxis manifestent contre le covoiturage obligatoire sur les trajets sanitaires
Au moins 300 chauffeurs de toute la région ont manifesté ce lundi 11 décembre 2023, contre l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Il leur imposerait de systématiquement transporter plusieurs patients lors des trajets médicaux.
Environ 300 taxis manifestaient ce lundi à Toulouse
Crédit : Alex Jehanno
11 décembre 2023 à 16h54 par Axel Mahrouga, avec Alex Jehanno
Matinée noire sur le périphérique de Toulouse (Haute-Garonne). Environ 300 taxis, venus de toute la région Occitanie, manifestaient ce lundi 11 décembre 2023 contre l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Le cortège a démarré par une opération escargot sur l'anneau toulousain depuis l'aéroport, en direction de la CPAM, à proximité de la halle aux grains.
Leur colère était dirigé contre une mesure que le gouvernement veut faire entrer en application dès le 1er janvier prochain : l'obligation de procéder au co-voiturage pour les trajets sanitaires. Concrètement, les artisans taxis devront systématiquement transporter plusieurs passagers vers ou depuis des rendez-vous médicaux ou des hôpitaux, sous peine de voir la course moins remboursée au patient par la sécurité sociale. Une mesure, voulue par le gouvernement pour des questions « d'économies ».
« Nos clients vont devenir des colis, pour ne pas dire des animaux, que l'on va parquer dans des voitures, regrette Stéphane Abeilhou, porte parole de l'Union Nationale des Taxis 31. Quand vous avez un patient qui va sortir d'une chimio, qui n'en peut plus, il ne va pas accepter de passer deux heures dans la voiture sous prétexte que l'on devra déposer 3 ou 4 clients avant lui parce que l'on nous l'a rendu obligatoire ».
La crainte des plateformes VTC
Ce que les professionnels du transport rejettent, ce n'est pas le recours au covoiturage. « Nous le faisons déjà depuis plus de 20 ans et nous pratiquons déjà un abattement de 40 % sur un transport groupé de 3 personnes », constate Mustapha Lemlal, vice-président des taxis du 31. Ce qui est craint, ce sont des clients qui, faute de voiture remplie, et donc de remboursement de la course, se tournent vers les plateformes de transport pour compléter leurs trajets. « Les plateformes ne viennent pas pour faire des économies, mais pour faire du business ! », déplore ce même artisan taxi. De leur côté, les taxis estiment que la mesure diviserait leur chiffre d'affaires par deux. « Des économies, ils vont en faire sur notre dos, sur notre santé, sur des heures de rallonge, déplore Mustapha Lemlal. Si vous faites une journée de 12h, vous allez peut etre en faire de 14,15 voire 16 heures. Pour finir avec quatre heures de sommeil. C'est pas assez. Et on le paie déjà pour pouvoir récupérer au moins ne serait-ce qu'un chiffre d'affaire à l'équilibre en fin d'année. Et on y arrive pas.»
La manifestation matinale s'est poursuivie dans l'après-midi avec une nouvelle opération escargot. Les taxis devaient ensuite se rendre devant les hôpitaux de Rangueil et Purpan ainsi que devant la clinique de l'Union pour distribuer des tracts. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2024 a été définitivement adopté le 4 décembre 2024 par l'Assemblée nationale. Mais, comme il est de coutume pour ces textes budgétaires, soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel. En attendant, les syndicats attendent une réponse « claire, nette et précise » à une lettre remise dans l'après-midi à la CPAM et un conseiller d'Emmanuel Macron. Si aucun retour n'est formulé avant la fin de l'année, les taxis pourraient durcir le mouvement.