TEMOIGNAGE. "J'ai essayé d'instaurer un climat de confiance", Tony Granier est intervenu pour dissuader un homme de sauter de la passerelle
Le 3 mai 2024, dans l'après-midi, un homme de 40 ans a tenté de mettre fin à ses jours du haut de la passerelle de Mazamet (Tarn). Tony Granier, pompier professionnel, a réussi à l'en dissuader. Son récit.
7 mai 2024 à 9h59 par Axel Mahrouga
Quarante-cinq minutes de pourparler. Le vendredi 3 mai 2024, un homme d'une quarantaine d'année a tenté de mettre fin à ses jours du haut de la passerelle de Mazamet (Tarn). Le quadragénaire a pu être pris en charge par les pompiers et la police et transporté sain et sauf vers l'hôpital de Mazamet après que Tony Granier, pompier professionnel, ait réussi à le persuader de sortir du pont suspendu.
Ancien pompier volontaire du Tarn et caporal-chef au 8e régiment de parachutistes d'infanterie de Marine (8e RPIMA), Tony Granier partage aujourd'hui sa vie entre Lescout et les Yvelines, où il exerce en tant que pompier professionnel.
Amateur de drones, il était venu prendre quelques images de la passerelle ce vendredi. "A mon arrivée sur place, j'ai entendu un bruit de verre cassé sur un rocher, ce qui m'a alerté", relate le Lescoutois. En descendant au niveau du pont, "j'ai vu un homme qui était seul, en plein milieu en train de se déshabiller".
Tout de suite, l'ancien tireur Milan alerte ses homologues tarnais qui lui demandent de prendre contact avec la personne en attendant leur arrivée sur place.
"Les 20 premières minutes, je parlais tout seul"
Un dialogue s'engage alors entre le quadragénaire et le pompier. "Les 20 premières minutes, je parlais tout seul, le monsieur ne me répondait pas. Il a commencé à me répondre au bout de 20 minutes", raconte Tony Granier.
Dans le cadre de ses fonctions, le Lescoutois est formé à réagir "en situation dégradée". Des apprentissages qu'il met en pratique pour la première fois lors de cette intervention. "Je lui ai parlé de moi, je lui ai dit mon nom, ce que je faisais dans la vie. Je lui ai demandé, lui, s'il avait des enfants, s'il était marié. J'ai essayé d'instaurer un climat de confiance, ce qui a payé au bout de 10 à 15 minutes".
L'homme sur le pont sort alors de son mutisme et lui explique les raisons de sa détresse. "À partir de là, ça m'a permis de lui expliquer que ce n'était pas à lui de se punir, de se faire du mal. Qu'il y avait certainement des solutions et qu'on pouvait en parler s'il venait vers moi", relate Tony Granier.
Quelques minutes après, l'homme de 40 ans commence à regagner la terre ferme. "J'ai reculé, parce qu'il avait peur que je l'attrape, raconte l'ancien militaire. Je lui ai dit 'non venez vers moi, je reculerai, ce que j'ai fait jusqu'à ce qu'il sorte de ce pont". En sécurité, il a ensuite été pris en charge par les secours.
Entre Lescout et les Yvelines
Ce vendredi, Tony Granier n'était pourtant pas en service lorsqu'il engage la discussion avec l'homme sur la passerelle. "J'ai mis quelques secondes ou peut-être 1 minute ou 2 à savoir quoi faire. J'ai regardé autour de moi et je me suis dit 'les secours, c'est toi donc fais quelque chose' [...] ensuite on se met des œillères. Je savais qu'il y avait du monde derrière moi [...] et je voyais des gens qui attendaient aussi. Donc j'ai mis des œillères à tout ça et il n'y avait que moi et ce monsieur. Pendant 45 minutes, il a fallu trouver des arguments, je me suis répété plusieurs fois".
Aujourd'hui, le pompier professionnel est retourné dans les Yvelines prendre ses fonctions pour la semaine. Des allers-retours hebdomadaires qu'il effectue régulièrement depuis 2007. Même si une grande partie de sa semaine est dédiée à la région parisienne, Tony Granier se définit comme un Tarnais. "Au niveau local, je suis quelqu'un engagé. Avec mon passé d'ancien militaire, je suis engagé dans une association d'anciens combattants sur ma commune. Je viens de rejoindre aussi la réserve opérationnelle de la police nationale d'Albi. Ma vie est dans le Tarn."
Après deux tentatives de rejoindre le corps des pompiers tarnais, Tony Granier espère toujours pouvoir, un jour, redescendre dans le département. "Si des postes sont à pourvoir dans le département, je réécrirai, comme je le fais à chaque fois".