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Toulouse. Le campement de fortune des allées Jules-Guesde va pouvoir être démonté

Plus de 140 migrants ont déjà accepté la prise en charge proposée par l’Etat ce mardi. Une centaine de jeunes, principalement venus d'Afrique de l'Ouest, étaient installés depuis fin août. 

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20 septembre 2022 à 12h04 par Brice Vidal

 

Nom, prénom, situation, pathologie… Plus de 140 jeunes migrants ont accepté d’être recensés, ce mardi matin, sur les allées Jules Guesde à Toulouse. Les services de la préfecture et ceux du Conseil départemental s’affairaient depuis 8 heures avec tentes, tables et chaises installées devant le Muséum de Toulouse. Une centaine de ces jeunes africains, qui se disent mineurs sans toutefois l’être tous, dormaient depuis fin août dans un campement de fortune près du palais de justice, après leur expulsion d’un squat de Lardenne : l’ancien Ehpad des Tourelles. 

 

Cette fois les jeunes migrants ont accepté les conditions des autorités

 

Le 26 août au moment de leur expulsion, « le même dispositif de prise en charge avait été mis en place » insistait le préfet de Haute Garonne Etienne Guyot vendredi dernier. Pourquoi ont-ils refusé ? Mystère. Probablement manipulés par quelques meneurs plus costauds et parlant plus fort, ou seulement par incompréhension. Car c’est bien le prolétariat d’Afrique de l’Ouest qui dormait sous les fenêtres de la préfecture et du tribunal de grande instance. La plupart des jeunes gens ne parle pas ou très peu français et le comprenne à peine. Pour rester dans les clous de la loi et régler cette situation aussi inhumaine qu’intenable, la préfecture de Haute-Garonne a accepté de retenter le coup « c’est vraiment la première fois qu’on réédite les propositions d’accompagnement » glisse une source proche du dossier. Une manière de prouver la bonne foi et « la main tendue » du préfet. Cette fois avec succès. Outre l’accompagnement social, des solutions d’hébergement sont proposées « en fonction des situations administratives » sur Toulouse et son agglomération, parfois dans des centres d’hébergement, parfois à l’hôtel.

Nathalie Guillot Juin secrétaire générale de la préfecture présente ce mardi expliquait « dans le cadre de files d’attente organisée, la première question posée est de connaître leur identité, préparer avec eux les démarches administratives » en gros comprendre où ils en sont, « savoir s’ils sont mineurs ce qui est une compétence du département, ou reconnus majeurs et en saisine du juge des enfants, alors c’est l’Etat qui prend en charge ».

 

Un juge des enfants qui grippe le système ?

 

Car voilà la brèche juridique. Quand ces jeunes migrants débarquent à Toulouse et qu’ils se manifestent pour être pris en charge au titre de l’aide à l’enfance, un organisme du département conclut 80% du temps qu’ils sont mineurs. Décision suivie la plupart du temps par le parquet de Toulouse. Mais aidés d’avocats spécialisés, les migrants lancent des recours devant le juge des enfants, qui à Toulouse, retoque très souvent la décision des services départementaux.

Au point qu’aujourd’hui, selon nos informations, la prise en charge des « mineurs non accompagnés » en Haute-Garonne dépasse les 54 millions d’euros, selon Georges Méric le président PS du Conseil départemental. A Toulouse donc, les tentes installées devant le tribunal judiciaire sont progressivement démontées. La mairie de Toulouse avait mis la pression à sa manière, en déposant une requête auprès du tribunal pour qu’il expulse les migrants des allées Jules Guesde.

 

Teddy, Congolais, veut étudier la littérature et dormait sous sa tente

 

« Vous avez le jugement du tribunal ? » demande un agent de l’Etat à un jeune africain mutique dont les yeux trahissent l’incompréhension. « Il a l’attestation de son avocat » intervient une associative qui questionne « y a-t-il des navettes près du lieu d’hébergement ? ». Pas simple de glaner des informations ce mardi et comprendre les parcours de vie, y compris pour les agents. Peu de ces déplacés acceptent de parler au micro, ceux qui veulent ne parlent ni français, ni anglais. D’autres refusent avec un V de la victoire ou un pouce levé.

On finit par croiser un jeune avec qui l’échange est possible. Teddy, venu de la République démocratique du Congo. Regard perdu, presque traumatisé « j’évite de parler de mon voyage, j’ai fui et je me retrouve dans une situation que j’ignorais alors qu’au Congo j’étudiais la littérature, ici je veux continuer. » « Ça fait trois semaines qu’on est dehors, on avait trop froid, j’ai rempli quelques papiers, on patiente et on ira dans le logement » explique-t-il, petites lunettes sur le nez « on est soulagé ». Pourquoi cette prise en charge n’a pas pu être menée aux Tourelles ? « On ne savait pas, c’était vague et mal expliqué donc là on a accepté » Majeur ? « Non j’ai seize ans et demi, je me présente comme étant mineur et c’est à eux de m’expliquer si je dois retourner au pays ou pas » murmure-t-il alors que sa mère et sa demi-sœur sont restées au Congo « elles m’ont envoyé ici, je veux réussir et qu’elles soient fières de moi » alors « la France n’est pas mon unique chance, c’est Dieu. La France est une étape de vie, j’essaie d’espérer… »

 

Selon la préfecture 137 personnes ont présenté une preuve de leur recours en instance chez le juge des enfants, dans le cadre de leur demande de reconnaissance de minorité. 2 personnes majeures intègrent le processus de demande d’asile (DNA – dispositif national d’accueil) et sont également hébergées dès ce jour par l’Etat. 2 personnes ont été prises en charge par le Conseil départemental de la Haute-Garonne, dont les services étaient également présents, pour une mise à l’abri et une évaluation de leur minorité. Quant aux quelques individus ayant refusé toute prise en charge, ils iront probablement grossir les rangs des squats miséreux de Toulouse ou d’ailleurs.

 

 

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