Les anti-SUV de Toulouse : dégonfleurs ou dégonflés ?
Qui sont les « dégonfleurs » de SUV. Rencontre avec un activiste.
20 novembre 2022 à 18h34 par Brice Vidal
Une nouvelle action de dégonflage des pneus de SUV a eu lieu mercredi, à Toulouse. Mercredi dernier 90 propriétaire de SUV ont retrouvé leurs pneus à plat.
Inspirés d’activistes anglais, les auteurs, une poignée de militants de "NoSuvTolosa" spécialisés en désobéissance civile, multiplient ce type d’actions sur des véhicules stationnés, voitures qu’ils estiment particulièrement polluantes. On pense qu’il y a déjà eu une dizaine d’actions sur la Ville rose et 200 à 400 véhicules dégonflés. Nous avons pu rencontrer l’un de ces militants, Arthur *, sa technique est simple : « on enlève le capuchon, on met une lentille ou un haricot, on referme de sorte à dégonfler le pneu » explique celui pour qui « le SUV est le symbole d’un privilège : des véhicules toujours plus gros et plus pollueurs alors qu’on nous demande d’aller vers la sobriété » ; « on laisse toujours un papier pour expliquer le mode d’action » précise-t-il.
Les groupes d’activistes sont autonomes, relativement décentralisés dont difficiles à identifier pour les forces de l’ordre « ça peut être des petits groupes qui le font le matin, ou des choses plus organisées avec une communication sur des réseaux sécurisés, on se donne un rendez-vous et on s’attribue un quartier, on cloisonne les espaces » pour éviter d’être repéré. Petit soldat ? « Non il n’y a pas de chef » assure-t-il.
Pourquoi s’attaquent-ils aux véhicules de "la classe moyenne" et non aux véhicules de luxe ?
Evidemment ce type d’opération dégonflage "gonfle" particulièrement les propriétaires de SUV qui amènent les enfants à l'école le matin, Arthur assume de s’attaquer à la classe moyenne, minuscule pollueur à l’échelle mondiale « effectivement les gros pollueurs industriels peuvent être une cible, mais chacun joue un rôle dans le paysage militant » se défend-t-il. Pourquoi ne visent-ils pas les bolides de luxe ou les énormes 4X4 ? « Ils sont beaucoup plus sécurisés, ça demande une logistique différente, d’autres groupes pourraient s’attaquer à des concessions » concède-t-il. « Si d’autres pays comme la Chine sont plus émetteurs c’est qu’on produit là-bas nos véhicules ou nos téléphones, c’est donc pertinent de s’attaquer à notre mode de vie, que les autres essaient de rattraper ». Une analyse dans la pure tradition décroissante.
Mais Arthur, beau joueur, reconnait que le mode de vie occidental auquel il s’attaque a amené « énormément de choses positives : l’accès à la santé, à l’éducation, à la culture » mais « la sentence sera bien plus grave si on ne s’attaque pas à ces privilèges ». « L’accès à la neutralité carbone en 2050 va nous coûter cher (santé, recherche scientifique...) mais essayons de construire quelque chose de différent » assume le jeune homme. Côté sociologique, les militants de NoSuvTolosa sont-ils plutôt des bobos du centre-ville ? « Si la bourgeoisie c’est accumuler du capital hérédité non, mais sociologiquement oui, on représente la classe moyenne de 20 à 40 ans qui travaille - étudiants, artisans, chômeurs, profs, ingénieurs - et qui a eu accès à l’éducation » résume, lucide, notre activiste.
* Son prénom a été changé