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Le meurtrier présumé de Martine Escadeillas jugé 36 ans après les faits à Toulouse

Joël Bourgeon, 58 ans, a reconnu son implication en 2019, avant de se rétracter.  

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30 juin 2022 à 21h47 par Brice Vidal

 

La cour d’assises de Haute-Garonne examine à partir de vendredi un homicide longtemps considéré comme un « cold case », une affaire non résolue. Joël Bourgeon, 58 ans, est jugé pour le meurtre de Martine Escadeillas en 1986 à Ramonville. Son corps n’a jamais été retrouvé.

 

Au matin du lundi 8 décembre il fait doux, les rudesses de l’hiver n’ont pas encore touché Toulouse. Martine Escadeillas, secrétaire de 24 ans, accompagne son petit-ami Thierry à l’arrêt de bus de la route de Narbonne puis rentre chez elle. Elle est aperçue pour la dernière fois vers 8H30. Les gendarmes seront saisis 8 heures plus tard de sa disparition. Des traces de sang sont relevées, le fluide corporel appartient à la jeune femme. Martine a forcément été victime d’une agression. Problème pour les enquêteurs, la femme de ménage a cru bon de nettoyer le sang alors que des témoins ont entendu au matin une scène violente. L’enquête va rapidement patiner, probablement parce que les gendarmes feront grand cas d’un témoignage qui se révèlera par la suite peu crédible : une voisine qui n’a alerté personne fera la description d’un homme accroupi près du corps d’une femme à l’heure du drame. Fausse piste.

 

Un non-lieu est rendu en 1989. En 1995, TF1 diffuse une émission consacrée à la disparition de la Toulousaine, « Témoin numéro 1 », déclenchant une série de témoignages transmis par le parquet à la Section de Recherches de la gendarmerie de Toulouse. L’enquête est rouverte en 1996, les gendarmes vont acquérir la conviction que l’auteur de ce meurtre a agi seul, qu’il connaissait les lieux et n’a pu évacuer le corps que par la cour intérieure. L’ancien amant de Martine Escadeillas, connu pour des infractions à caractère sexuel était mis en examen, puis blanchi. Même la piste Patrice Alègre était fouillée. Mais là encore, rien. L’ultra-médiatique et chronophage affaire Alègre, aura sûrement empêché les gendarmes de résoudre plus tôt le crime de Ramonville.  

2016 : un témoignage fait tout basculer

 

Le tournant de cette affaire se produisait début 2016. Un proche de la famille de la victime désignait Joël Bourgeon comme possible assassin. Son profil était passé au crible par les analystes d’ANACRIM, les gendarmes réentendaient les protagonistes. Progressivement « la thèse Bourgeon » prenait de l’épaisseur.

Bourgeon, ami du couple Martine et Thierry, aurait aimé secrètement la jeune femme. Il possédait le double des clés et connaissait bien l’immeuble, sa cave aussi. Agent territorial au lycée Déodat de Séverac à Toulouse, il habitait en fait tout près du domicile de la victime, alors qu’il affirmait vivre chez sa mère lors de son audition en 1986.Bourgeon, le séducteur, qui n’a manifesté aucune empathie à l’égard de Thierry quand Martine a disparu. Bourgeon encore, fraîchement titularisé, qui a pourtant quitté précipitamment Toulouse pour s’installer avec une adolescente de 16 ans, à Lyon, juste après les faits. Bourgeon et son genou douloureux dont le profil colle avec le témoignage d’un commerçant qui affirme avoir remarqué un individu à la démarche claudicante le matin du crime.  Bourgeon toujours, qui demande à sa petite amie de s’apprêter comme Martine, qui lui offre les mêmes bijoux.

Mais surtout Bourgeon qui a un temps reconnu son implication de manière circonstanciée.

 

Joël Bourgeon reconnait les faits puis fait machine arrière

 

Le 22 janvier 2019, Joël Bourgeon était interpellé sur son lieu de travail. « Nullement surpris de son arrestation 33 ans plus tard » affirme une source judiciaire. Il reconnait alors avoir été secrètement amoureux de Martine Escadeillas, s’être rendu le matin des faits à sa résidence lui déclarer sa flamme, avoir été éconduit et s’être disputé avec la victime. Il précisait l’avoir poursuivi avant de la retrouver inanimée et ensanglantée dans le hall d’entrée… Bourgeon déclarait avoir dissimulé le corps dans la cave avant de revenir plus tard. Il ne précisait pas où il avait mis le corps. Mis en examen pour meurtre et incarcéré le 24 janvier, il revenait sur ses déclarations quelques jours plus tard soutenant avoir été malmené en garde à vue. Contraint d’avouer par les gendarmes. Il mettait en cause aussi l’expérimenté  juge d’instruction Fabrice Rives, estimant que ses aveux lui ont été dictés. Coup de froid.

 

« Mes clients souhaitent que cet homme, qu’ils fréquentaient, soit condamné évidemment » indique Me Frédéric David avocat des proches de Martine Escadeillas « mais leur préoccupation principale c’est de pouvoir faire le deuil : ils veulent savoir ce qu’il s’est passé ce matin-là et où est le corps de Martine Escadeillas. Joël Bourgeon doit leur parler, retenez que la veille ce garçon, qui était un familier, a passé le dimanche entier à la maison où habitaient les parents de Martine et tous mes clients. » L’accusé risque la réclusion criminelle à perpétuité. La cour d’assises de Haute-Garonne rendra son verdict mercredi prochain.