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"Laisser mourir ces gens, c'est un crime", témoigne cet Afghan installé en pays catalan

Yama Iliassi a créé une association pour aider à l’intégration des réfugiés afghans dans les Pyrénées-Orientales. 

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10 septembre 2021 à 17h14 par John Bourgeois


Nawroz en France, voilà le nom d’une association pour aider les réfugiés afghans dans les Pyrénées-Orientales. Elle a été créée en 2017 par Yama Iliassi et son épouse, et prend aujourd’hui une nouvelle ampleur au vu de l’actualité tragique dans le pays. Son objectif :  l’intégration des Afghans sur le territoire français et notamment des Pyrénées-Orientales, à l’image de Yama. Boursier du gouvernement français arrivé en 2004, et désormais fonctionnaire territorial à la communauté urbaine de Perpignan, Yama habite dans le petit village catalan d’Estagel avec sa femme et ses enfants, et se sent pleinement intégré à la culture française.

Parrainer des Afghans pour les intégrer

Nawroz en France sert en fait depuis plusieurs années à expliquer aux Afghans comment l’on vit en France, à les aider également pour toutes leurs démarches administratives, en facilitant les relations avec les structures françaises. Pendant la crise actuelle en Afghanistan, l’association est aussi devenue « une sorte de boite aux lettres » des demandes d’exil d’Afghans, qui voulaient donc fuir leur pays, désormais aux mains des talibans. Aujourd’hui, Nawroz devrait avoir vocation à mettre en relation Français et Afghans sur le territoire, au moyen de parrainages.

« Parmi les meilleures façons d’intégrer les nouveaux qui arrivent, c’est de passer par le parrainage. Parce que dès que vous parrainez quelqu’un, vous le rencontrez, vous le recevez chez vous, vous allez chez lui, donc vous allez découvrir la culture française ou afghane. Et on peut discuter, on apprend la langue, on apprend beaucoup de choses.  Attends je t’aide pour ta démarche administrative… attends là-bas il y a un cours de français, tu peux y aller… Donc en fait, ça crée une relation donnant donnant », explique Yama Iliassi qui souhaite à travers cela « revaloriser et responsabiliser des Afghans qui ont perdu confiance en eux ». Car selon lui, ne pas les intégrer pourraient créer de « futurs problématiques » pour le monde occidental.
 

Yama Iliassi


« Que la France continue à faire jouer son poids »

Yama a des proches en Afghanistan, et notamment l'un de ses frères. Il nous relaie aujourd’hui leur récit d’une véritable guerre civile dans le pays. Des coups de feu résonnent sans cesse dans les rues, et la famine guette la population. D’où l’importance selon lui de l’action rapide des Etats-Unis et de l’Europe en Afghanistan.  Aujourd’hui les forces occidentales se sont retirées du pays, notamment la France, au grand désespoir de Yama. « 30 ans de combat de guerre pour rien. Parce que ce qu’il se passe aujourd’hui, ça va repartir en guerre civil, de nouveau en champs de bataille.  Je pense que la France doit continuer à faire jouer son poids pour deux choses : évacuer les gens pour qui leur vie est en danger, et continuer à appuyer politiquement sur les talibans pour qu’ils respectent les droits des hommes et surtout des femmes. »

À ce jour, Yama Iliassi dénombre environ 300 Afghans sur le territoire des Pyrénées-Orientales. Tous partagent les mêmes craintes quant à la situation terrible de leur pays. « Je pense que tout le monde sait aujourd’hui que ce n’est pas normal ce qu’il se passe. Sauf que là-bas, ce sont des humains, et de laisser ces gens-là mourir sur place, je pense que c’est un crime. »
 

Yama Iliassi


« La résistance est en place… mais cela ne va pas durer »


Depuis le départ des troupes occidentales et notamment américaines, les talibans ont récupéré la mainmise totale sur l’Afghanistan, mais une révolte s’est créée, menée par le fils du commandant Massoud, dont un hommage a été rendue à Perpignan récemment.  « Il y a la résistance aux talibans qui se met en place. Sauf qu’ils sont bombardés par les avions pakistanais. Je me demande pourquoi le monde occidental n’en parle pas. Par quel droit les avions pakistanais viennent bombarder en Afghanistan ? Surtout qui a donné cet ordre ? », s’interroge le fondateur de Nawroz, qui émet des doutes sur la durée de la résistance afghane. 

« Les gens ont dit : "ce n’est pas possible, on pensait que les talibans étaient des Afghans mais non !" Mais cela ne va pas durer parce qu’ils n’ont pas d’armes, ils n’ont rien.  Donc cela va créer des révoltes un peu partout, mais qui dit révoltes, dit la guerre dans les rues. » Une guerre qui continuera selon Yama, tant que les forces occidentales n’interviendront pas.
 

Yama Iliassi


Photo : Yama Iliassi (à droite) est au lac de Villeneuve-de-la-Raho avec plusieurs compatriotes afghans.