La Haute-Garonne va expérimenter une nouvelle juridiction en 2021 : la Cour criminelle
Publié : 21 décembre 2020 à 8h40 par Brice Vidal
Entretien avec Franck Rastoul, le Procureur Général près la Cour d'Appel de Toulouse.
A la rubrique "ce qui change l’an prochain" : va-t-on pouvoir désengorger les tribunaux de Haute-Garonne avec cette nouveauté ? Le département va en effet expérimenter à partir de 2021 une nouvelle juridiction, la Cour criminelle départementale. Une réforme vue d'un bon oeil par les chefs de juridictions, alors que les dossiers s’entassent dans ressorts judiciaires français les plus criminogènes : il faut juger, et vite si possible.
La cour criminelle jugera notamment les viols et vols à main armée
De fait la Cour d’Assises ne sera plus la seule apte à juger les crimes, cette nouvelle instance sera chargée de punir les faits relevant des peines les moins lourdes "des procédures qui peuvent être de vols à main armée ou de viols" explique Franck Rastoul, le Procureur Général près la Cour d'Appel de Toulouse.
Il n’y aura plus de jurés populaires mais uniquement cinq magistrats professionnels, une façon, pour la justice, de boucler les dossiers tout en faisant des économies. Le Procureur Général nous explique qu’un bilan sera établi en 2022 "sous l'angle des délais, des peines prononcées et du coût de la justice criminelle. A cet égard un indicateur sera intéressant à suivre : le taux d'appel". Pour le patron du ministère public, "l'idée c'est d'avoir plus de fluidité dans le traitement des Cours d'Assises, sans altérer le débat contradictoire à l'audience".
Il y a une quinzaine de départements pilotes actuellement. Trois sessions, dont deux exclusivement de Cour criminelle, sont prévues l’an prochain à Toulouse.
Des crimes jugés sans jurés populaires
Un problème philosophique se pose, sans jurés populaires la justice sera-t-elle toujours rendue au nom du peuple français ou y a-t-il une entorse au contrat social ? Plus qu’un symbole, les jurés incarnent la souveraineté populaire dans l’administration de la justice. Franck Rastoul tempère "d’autres juridictions criminelles se passent déjà de jurés, notamment en matière de terrorisme" [NDLR : Cour d'Assises spéciale].
Et même les avocats seraient plutôt favorables à cette évolution ; "les premiers retours dans les départements l'ayant déjà expérimenté sont globalement positifs. Je note qu'à Toulouse, on a eu quasiment 100% de réussite pour audiencer en 2021. Seul un avocat a préféré que son client comparaisse devant la Cour d'Assises" (il faut actuellement l'accord des parties pour une comparution en cour criminelle).
Sur la réduction des délais judiciaires, le Procureur Général prévient : "la Cour criminelle ne va pas résoudre à elle seule la question des stocks", comprenez les affaires en retard. La justice croule sous les dossiers à Toulouse depuis l’an dernier, annus horribilis à tous égards, qui a vu se succéder grève des avocats et crise sanitaire. Objectif pour le parquet général : avoir résorbé tout ou partie de ce stock fin 2021. Dernièrement, faute d'avoir pu juger des criminels présumés dans les temps, le parquet général a saisi la chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Toulouse pour une trentaine de prolongations de détention préventive.