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Juger les violations de confinement est-il légal ? Des avocats de Toulouse déposent un recours

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Publié : 9 avril 2020 à 17h45 par Brice Vidal

Ils viennent de déposer une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Trois jeunes devaient être jugés à Toulouse ce jeudi en comparution immédiate. Des prévenus issus des quartiers défavorisés comme Bagatelle, poursuivis pour avoir été contrôlés à plus de trois reprises sans attestation, ou avec des attestations non conformes. Un décret du 16 mars dernier indique qu'après trois verbalisations en 15 jours pour non-respect du confinement : la contravention devient un délit, passible de prison ferme pour le mis en cause.

 

La "récidive" est-elle légale ?

Chargés de les défendre : trois avocats toulousains ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité, une première à Toulouse pour ce type de cas ; alors que des avocats de Bobigny et Poitiers ont déjà soulevé cette QPC. Récemment la Ligue des droits de l'homme s'est indignée qu'un jeune homme au casier vierge qui n'avait pas respecté les règles de confinement écope d'un mois de prison dans la Ville rose.

Me Justine Rucel, Me Sébastien Delorge et Me Clémence Doumenc attaquent, eux, sur le terrain du droit.

 

Ils ont à tour de rôle dénoncé "une atteinte à la présomption d’innocence". Dans le collimateur des robes noires le flou juridique autour du principe de récidive. Car un prévenu jugé : c'est un délit théoriquement constitué. En l'occurrence, il s'agit d'une succession de contraventions qui mène les mis en cause devant le tribunal correctionnel. Pour les avocats c'est tout simplement "anticonstitutionnel [...] car le délai de recours à toute contravention n'est pas purgé (45 à 90 jours) estime Me Sébastien Delorge. L'avocat ajoute : "d'un point de vue juridique ces violations ne sont pas avérées, ça signifie que des gens peuvent se retrouver en prison alors que les verbalisations n'avaient pas lieu d'être".

 

 

Les robes noires demandaient au tribunal correctionnel de Toulouse de transmettre la QPC à la chambre criminelle de la Cour de Cassation qui elle-même transmettra ou non au Conseil constitutionnel.

 

Le tribunal donne raison aux avocats

Thierry Pons, procureur adjoint, tentait de justifier la décision du parquet de faire comparaître les prévenus "tout citoyen a droit à la protection sanitaire, elle est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme au même titre que la liberté d’aller et venir [...] Le législateur a fait preuve de discernement en fixant la récidive à la 4e reprise en 15 jours."

Le tribunal a pourtant fait droit à la demande des avocats toulousains, "il sursoit à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation. Personne ne sera condamné avant que les juridictions compétentes se prononcent" concluait, satisfaite, Me Justine Rucel. Les prévenus ont été libérés.