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Fahim, la réussite par les échecs.

Le nouveau film du réalisateur Pierre-François Martin-Laval est en avant première à Castres mercredi 19 juin.

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13 juin 2019 à 7h13

Ce mercredi 19 juin à 14h, le cinéma CGR le Lido de Castres accueille le réalisateur Pierre-François Martin-Laval qui présente en avant-première son nouveau film Fahim (sortie le 16 octobre).

Entretien avec le réalisateur des Profs, entre autre, qui montre une autre facette de son travail.

 

L’histoire :

Forcé de fuir son Bangladesh natal, le jeune Fahim et son père quittent le reste de la famille pour Paris. Dès leur arrivée, ils entament un véritable parcours du combattant pour obtenir l’asile politique, avec la menace d’être expulsés à tout moment.

Grâce à son don pour les échecs, Fahim rencontre Sylvain, l’un des meilleurs entraîneurs d’échecs de France. Entre méfiance et attirance, ils vont apprendre à se connaître et se lier d’amitié. 

Alors que le Championnat de France commence, la menace d’expulsion se fait pressante et Fahim n’a plus qu’une seule chance pour s’en sortir : être Champion de France.

 

 

L’histoire vraie de Fahim a été racontée dans un livre. C’est une histoire qui vous a touché ?

Pierre-François Martin-Laval : Oui, ça ma même choqué et bouleversé lorsque j’ai vu l’interview de Fahim Mouhamad en 2014 à la télévision. Le lendemain j’ai acheté un Roi clandestin, le livre où les faits sont retracés. Et là, j’étais dans un état très bizarre, ce n’est pas une jolie prose, ce sont surtout des faits qu’il raconte, trois ans et demi sans papiers, sdf dans Paris et Créteil, j’avais l’impression de l’avoir croisé sans avoir rien fait pour lui…Son histoire est tellement forte et belle que j’ai eu envie d’en faire un film.

 

C’est un film parfois dur, le thème est dramatique, et en même temps vous arrivez à garder une touche de légèreté, on sourit souvent, c’était important d’avoir cet équilibre ?

Absolument, je n’ai rien inventé, Chaplin traitait de sujets très graves, faisait des comédies avec des drames. Là, cela peut-être tellement pesant ce qui arrive à Fahim, qui a été séparé de sa famille, que je voulais traiter cela avec humour. Il y a des enfants dans le film, Fahim est entouré des autres élèves de Gérard Depardieu qui joue l’entraineur d’échecs, et les enfants ils ont besoin de ça, l’humour c’est une forme d’arme. Je pense que ça aurait été trop lourd de faire un film sur un tel sujet sans parfois distraire les spectateurs.

 

Vous avez choisi un thème très actuel, celui des réfugiés, des exilés, est-ce que c’est une manière d’engagement de votre part, d’affirmer vos convictions sur le sujet ?

 Maintenant que vous me posez la question je suis obligé d’aller jusqu’au bout et de vous répondre oui ! Je ne me suis jamais senti engagé, j’ai toujours lutté contre en disant « moi, je suis juste un clown », j’ai toujours revendiqué ça. Et puis en 2013 je sors « Les Profs », je réalise un de mes rêves, faire ce que je faisais au théâtre au cinéma. Je faisais un film à gags, j’étais gagman ! Et je me demandais si j’allais faire que ça toute ma vie, ou si je n’étais pas capable d’être…pas utile, parce que le divertissement c’est utile et j’en referais demain, mais au moins de m’engager un peu plus.

Après je ne fais jamais qu’un film, je ne suis pas non plus sur le front physiquement…mais si on fait chacun un petit quelque chose pour soulever des débats, peut-être que ça peut faire changer les choses. Une parenthèse : je ne fais pas juste un film sur les réfugiés politique ou juste un film sur les échecs. Je fais aussi un divertissement. C’est du cinéma !

 

Ce film c’était une envie de changer de registre, de raconter autre chose ?

 Oui complétement, je me remettais en question en temps que réalisateur, que père de famille, et j’avais envie d’explorer ce genre d’histoire et de passer par une histoire vraie. Quand on raconte une histoire vraie, on a des obligations. Il n’était pas question que le vrai Fahim en voyant le film soit déçu ou ressente de la trahison. Ça me faisait un défi supplémentaire, et une manière différente de travailler avec mes acteurs.

 

Vous dirigez dans ce film Gérard Depardieu, on a l’impression qu’il coule de source dans ce rôle de l’entraineur d’échecs…

J’ai toujours rêvé de Depardieu quoi qu’il arrive, c’est pour moi un des plus grands acteurs au monde, peut-être le plus grand. Et comme j’ai eu la chance de connaitre le vrai entraineur de Fahim, c’était une évidence. D’ailleurs, quand je fais apparaitre au générique de fin ses photos, les spectateurs voient la cohérence.

 On a envoyé le scénario à son agent, qui a sauté sur Depardieu et lui a fait lire le lendemain. Et comme Depardieu ne perd pas de temps, deux jours après il a répondu oui. Après, j’étais fou de joie mais je n’étais pas étonné. Parce que connaissant un tout petit peu Gérard Depardieu, j’étais persuadé qu’il serait très touché par le sujet. Le génie de Depardieu fait que je ne l’ai pas « dirigé », je l’ai juste mis en scène ! Il n’a pas eu besoin de moi pour faire croire aux gens qu’il était entraineur d’échecs ! Il est comme ça, quand il joue un pâtissier on croit qu’il a fait des gâteaux toute sa vie, il est impressionnant.

 

Un mot sur le jeune acteur qui joue Fahim ?

Ce petit c’était le miracle de la préparation au film ! J’aurais pu faire ce film en changeant n’importe qui de la distribution, mais sans Assad ça aurait été impossible. On a mis presque un an à le trouver ! On l’a trouvé presque par accident, il était venu avec un copain à lui qui auditionnait. Il a une émotion, il est très expressif du visage…Et surtout il correspondait à la voie que je voulais donner au film, de ne pas jouer, juste d’être. Il venait d’arriver en France avec son papa réfugié politique, il ne parlait pas un mot de français, il a appris avec nous.

J’ai une pensée aussi pour Isabelle Nanty, qui est bouleversante et qui m’a fait un cadeau extraordinaire en acceptant de jouer dans ce film.

 

Les spectateurs castrais pourront découvrir le film en avant-première ce mercredi, (ndlr 19 juin à 14h au Cinéma le Lido de Castres) qu’espérez-vous qu’ils en retirent ?

Que ça les fasse réfléchir, qu’ils n’oublient pas le film. J’aimerais aussi que les gens se rendent compte que Fahim a eu de la chance. Fahim était un champion, c’est pour cela que son destin a changé, ce qui n’est pas le cas de tous les réfugiés. J’aimerais aussi qu’on ne confonde pas migrants et réfugiés politiques. Fahim était en danger de mort dans son pays, il n’a pas quitté son pays parce que l’herbe était plus verte ailleurs.

 

 

Fahim, Un film de Pierre-François Martin-Laval Avec Isabelle Nanty, Gérard Depardieu, Ahmed Assad.

 

Entretien réalisé par Cyrille Masson