ActualitésTarn

Christophe Urios : "une très belle histoire qui se termine mal."

Entretien et bilan avec l'ancien patron du sportif du Castres Olympique.

100%

Publié : 21 juin 2019 à 18h13 par

Le désormais ex-directeur sportif du Castres Olympique s’est livré pour la première fois depuis la défaite contre Toulon, fin mai, et l’élimination du CO. La conclusion ratée d’une aventure de 4 ans qui a vu son CO accrocher deux ¼ de finale et un titre de champion. C’est chez lui, à la sortie de Castres, quelques jours avant son départ définitif, que Christophe Urios a reçu la presse locale pour un entretien tout en sincérité.

Retour sur cette fin de saison ratée, et bilan de 4 ans à la direction sportive du Castres Olympique.

 

Près d’un mois après cette défaite à domicile contre Toulon, qui vous a privé de phases finales, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

C.U : Ce qu’on a fait, ce n’est pas bien. Il était bien plus difficile de se qualifier que de ne pas se qualifier. Pour pleins de raisons…mais le soir de Bordeaux, (victoire 12-16, J22) tu te retrouves avec un vrai boulevard, c’était impensable qu’on ne puisse pas se qualifier. Ce n’est pas bien ce qu’on a fait…Les raisons? La première, c’est qu’on n’a pas respecté notre parole. La deuxième, c’est qu’on a fait pleurer la ville de Castres. La troisième, c’est qu’on a fait une très mauvaise sortie à Yannick Caballero qui est un mec incroyable. Et enfin, on n’a pas respecté le travail du staff.

Franchement, je ne pensais pas que ça s’arrêterait ce samedi-là…mais c’est marrant, dans la semaine j’avais eu de mauvaises impressions. Je savais que Montpellier pouvait gagner, ils étaient dans une dynamique importante, je savais que c’était possible. Donc ça reposait sur nos épaules. Mais j’étais à 20 lieues d’imaginer qu’on ferait un match comme celui-là.

 

Certains à Castres ont été surpris par votre attitude depuis cette défaite ? (Christophe Urios n’est pas venu au repas de fin de saison)

J’ai donné ma chemise pour les mecs. Comme personne ne l’a fait au club. Effectivement, j’ai été triste, c’était douloureux, mais franchement je n’avais pas envie de les revoir. J’en voulais à tout le monde, à moi en premier. Je n'ai rien contre eux, j'ai même une admiration pour leur compétence. Mais je pense que je n’ai pas été bon dans les derniers mois. J’en voulais aux joueurs, aux arbitres, à tout le monde. Donc à quoi bon me retrouver autour d’un verre avec des gens qui m’avaient profondément déçu ? Pourquoi ramener de la tristesse à table ? j’avais pas envie de ça….de la même manière que je n’avais pas envie d’entendre les remerciements du président qui ne me parlait plus depuis un an.

Ça a un côté égoïste sûrement…mais aujourd’hui, je n’avais pas envie de partager ces moments. C’est ma façon de fonctionner. Je veux bien que ce soit mal perçu, mais je ne peux pas entendre des remarques du type « on est déçu, il ne nous a pas dit au revoir. » Parce que ce qu’on a fait, ce n’est pas bien.

 

Vous n’avez plus eu de rapport avec le staff ou les joueurs depuis ?

Quelques mails, quelques textos…Il y a un seul joueur qui est passé chez moi. Un seul. C’est Benji Urdapilleta. Il y en a d’autres qui m’ont invité, oui, mais…(il soupire)

Je peux comprendre qu’ils n’aient pas compris…Mais pour eux c’est fini, ils vont passer à autre chose, rencontrer un autre staff. Moi je vais le garder toute ma vie. Ça va me faire progresser.

 

Est-ce que ça restera en vous de la même manière que le titre ?

Bien plus que le titre ! Le titre, il était fini le lendemain ! Moi je hais la défaite. Et j’aurais aimé que le groupe soit comme moi. Mais attention, encore une fois, j’aurais toujours plaisir à revoir les joueurs, quand je vais les croiser sur le terrain je serais content de les revoir, surtout si je les bats ! (rires) Il y en a que j’entraine depuis 10 ans quand même !

 

L’annonce de votre départ en début de saison, le fait que beaucoup de joueurs vous voyaient avec le XV de France et que vous finissiez finalement à l’UBB, ça a joué un rôle ?

Tu sais, j’en ai eu dans le salon des joueurs, qui me disaient « alors qu’est-ce que tu fais Christophe ? » je leur disais : « les gars, si vous avez une proposition qui vous va bien, engagez-vous parce que moi je ne peux rien vous promettre. » Parce que je n’avais rien…Après, oui je pense que ça a crée quelque chose, et qu’on l’a payé au mois de décembre. (Il soupire) La vie est drôle parfois…J’annonce le truc, on reçoit Agen et on reçoit Bordeaux…

 

Vous vous êtes senti trahi par vos joueurs ?

(il coupe) Non pas du tout. Je pense qu’on a manqué d’humilité.

Depuis le match de Bordeaux, je trouve que le groupe avait changé. Je me suis surpris, les derniers mois, à devoir les pousser à monter le curseur dans l’intensité du travail. Ça n’arrivait jamais. Je pense que ce n’était pas une volonté de mal faire…ils étaient juste en gestion. Comme tout le monde, et vous les premiers, pensait qu’on allait se qualifier, les mecs étaient en mode gestion. Parce qu’ils savent le faire, c’est un groupe qui a de l’expérience…Ce n’était pas malsain attention, pas du tout.

Mais je ne me suis pas senti trahi, j’ai une telle affection, une telle empathie, un tel respect pour ce groupe que je ne le pense pas une seconde.

 

Cette empathie justement, elle a pu jouer un rôle dans votre manière d’aborder la fin de saison ?

Oui, cette affection a pu me jouer des tours. J’ai manqué de vigilance. Après le match de Toulouse, où la défaite est dure, où on manque de précision, j’aurais dû peut-être secouer un peu le truc…Le match de Montpellier en suivant, on est battu sur le combat, ça ne nous ressemble pas. Je l’ai mis sur le compte de la défaite de Toulouse, mais j’aurais dû remuer du monde. Je ne l’ai pas fait, parce qu’il nous restait deux matchs. Franchement, je pensais qu’on allait se qualifier. Et je n’avais pas envie de créer des turbulences à ce moment là alors que j’avais une très grande confiance en mon groupe.

 

Vous parlez de manque d’humilité ?

Oui, j’ai plein d’exemples, que je garde pour moi, mais avec le recul je me demande comment j’ai pu tolérer certaines choses. Notamment la semaine avant Toulon. Moi-même je me suis préoccupé de comment on faisait la sortie de Yannick (Caballero) avant de savoir comment on allait mettre du combat dans le match. Aujourd’hui je me dis « mais sans déconner comment tu as pu accepter ça ? » Je ne dis pas que ce n’était pas bien, je dis qu’on a mis la charrue avant les bœufs.

 

Est-ce qu’après la saison du titre, la préparation raccourcie, le groupe était usé ?

Certains joueurs avaient beaucoup joué. Mais ce qui me gêne c’est que beaucoup de joueurs n’ont pas confirmé cette saison. Notamment les deuxièmes, voir les troisièmes, (du poste) ils n’ont pas amené cette concurrence qui crée l’émulation.

Je pense que notre manque d’humilité, mon manque de clairvoyance et ce groupe qui n’a pas été assez homogénéisé vers le haut, tout ça fait qu’on s’est laissé bercer.

Tu sais, il y’a des signes qui ne trompent pas. Quand à la fin du match de Toulon on est tous occupé à regarder ce que fait Clermont…Ce sont des images qui me font mal. Parce qu’ils se sont rendus compte qu’ils avaient fait une connerie. Ce qu’ils ont fait là, ça va être une plaie qui va être ouverte chez moi de longues années.

 

                                                                 " Je suis sûr qu’on était prêts pour faire de grandes phases finales. Le problème, c’est qu’on a oublié de se qualifier."

 

Est-ce que cela gâche le reste de l’aventure castraise pour toi ?

Ça dépend dans quel sens tu le prends…On a échoué dans notre dernière mission. Si on se qualifiait, ça aurait été un parcours incroyable. Ça restera toujours une tâche…

Après, quand je suis revenu à Castres il y a 4 ans, le club était au bord de la relégation. Je voulais redonner des couleurs au bleu de Castres, remettre le groupe au centre du projet. Je voulais travailler sur la formation, le 100% Région, me rapprocher du public. Je crois que dans toutes ces missions, c’est réussi. Là où je suis le plus heureux, c’est qu’on a fait grandir le club.

Que ce soit Matthias Rolland sur le plan administratif, où j’ai vu une grande évolution, que ce soit sur les structures du club, et évidemment sur le plan sportif.

Je l’avais dit à Pierre-Yves Revol quand je suis arrivé : on va transformer le club. J’ai participé à la grande évolution du club. Avec mon staff, et plein d’autres personnes, notamment les gens de l’administratif. Je suis aussi très fier de mon staff. Je voulais un staff spécial, il l’était, parce qu’il avait une grande compétence, une grande expérience, et il travaillait dur.

Ces 4 ans au CO, c’est une très belle histoire qui se termine mal.

 

Pouvez-vous revenir sur la saison de manière plus générale ?

Elle est incroyable…On rate deux mois ! Décembre et mai. Le reste, la saison est top. Sur les deux mois, on perd 5 matchs à la maison !

Tu sais, je suis sûr qu’on était prêts pour faire de grandes phases finales. Le problème, c’est qu’on a oublié de se qualifier. On avait tous envie d’une chose : retrouver Toulouse. On avait tellement le boulevard devant nous qu’on a manqué d’humilité.

 

Quel bilan tirez-vous de ces 4 ans à Castres ?

On a construit un truc incroyable. Que ce soit dans la relation avec les joueurs, dans la compétence, dans la relation au public, avec l’administratif, avec la région, les résultats, le contexte toulousain…On a marqué l’histoire du club. Donc cette année n’est pas un échec. Mais je m’en veux énormément parce que je n’ai pas réussi à inverser les choses…

 

Propos recueillis par Cyrille Masson.

Photo Patrick Olombel.