Castres. L'accident avait tué une fillette de 7 ans, le conducteur écope de quatre ans de prison
Le conducteur avait perdu le contrôle de son véhicule en tentant d'échapper aux gendarmes, à Navès (Tarn), le 8 novembre 2021. Une petite fille de 7 ans était décédée.
23 novembre 2022 à 19h05 par Axel Mahrouga
Un cordon de CRS filtre les entrées. Le dispositif policier déployé autour du tribunal de Castres (Tarn), ce 23 novembre 2022 est à la hauteur de la tension qui règne autour du procès qui s'annonce dans la salle d'audience. Devant les juges, un homme de 26 ans, escorté par l'administration pénitentiaire, vêtu d'une doudoune noire et d'un jogging blanc fait son entrée, escorté par l'administration pénitentiaire.
Il y a maintenant plus d'un an, en ce début de soirée du 8 novembre 2021, l'individu rentrait en voiture après avoir fait ses courses. Dans le Renault Scénic, trois enfants sont à l'arrière et celle qui est désormais son ex-compagne est à l'avant. Sur le chemin, ils croisent alors une patrouille de gendarmerie. Les militaires repèrent que le conducteur ne porte pas sa ceinture. Ils démarrent, allument les gyrophares sans la sonnerie deux tons, et suivent le véhicule qui décide alors d'accélérer.
Les forces de l'ordre filent le véhicule, évitant la surenchère de vitesse et ainsi provoquer un accident. Mais sur un croisement, le conducteur du Scénic tourne brusquement à gauche et perd le contrôle de son véhicule qui partira en tonneaux avant de finir sa course dans un champ.
Les deux enfants et la passagère, groggy et choqués, en sortent avec de légères blessures. Mais une petite fille de 7 ans, installée à l'arrière, côté passager, ne survivra pas malgré les premiers secours prodigués par les gendarmes et le conducteur. Devant ce drame, ce dernier décide de se faire la malle. Ce n'est que le lendemain qu'il sera retrouvé à Villefranche-de-Rouergue, en Aveyron, après avoir tenté une nouvelle fois de prendre la fuite.
L'accident avait provoqué de vives tensions entre la famille du conducteur et de celle de la petite victime, qui était la petite cousine de l'homme au volant. Pour éviter tout débordement, dans la salle d'audience à huis clos partiel, seul les parents, sœurs et une cousine du prévenu sont installés sur les bancs. L'ex-compagne, la mère des deux enfants blessés, ne s'est pas rendue au tribunal « par peur des représailles ».
« Je ne voulais pas affronter la réalité »
À l'audience, le prévenu, issu de la communauté des gens du voyage, qui avait tenté trois fois d'échapper aux forces de l'ordre, semblait cette fois décidé à assumer ses responsabilités devant les magistrats. « J'étais inconscient », lancera-t-il à la barre tandis que son regard descend brusquement vers le sol.
À la lecture du dossier, il est aisé de comprendre pourquoi, à la vue des gendarmes, le conducteur prend la funestre décision d'accélérer. Sans ceinture, il n'avait ni permis, ni assurance et l'individu était recherché pour effectuer une peine d'un an de prison, prononcée pour refus d'obtempérer, délit de fuite, outrage et mise en danger de la vie d'autrui. Mais, encore plus accablant, les trois enfants à l'arrière n'étaient pas non plus attachés selon les conclusions de l'expert qui a examiné le véhicule. Lors de l'accident, les trois petits passagers ont été éjectés du véhicule. Ses deux enfants, « des miraculés », selon maître Hervé Rénier, chargé de les représenter, ont atterri dans le champ, sur un sol meuble qui a pu amortir l'impact. Leur cousine de 7 ans, n'a elle, pas survécue.
Lorsque les juges évoquent ces dix minutes, où les gendarmes ont tenté de réanimer la fillette, le conducteur semble difficilement expliquer les raisons de sa fuite. « Je ne voulais pas affronter la réalité alors j'ai pris la fuite », explique-t-il.
La petite famille embarquée dans « un cercueil ambulant »
Lors de l'audience, la présidente du tribunal rappelle que les conséquences de l'accident auraient été moindre si tous les passagers avaient bouclé leur ceinture. Mais surtout, ce qui est pointé dans le dossier, c'est l'état du véhicule. Un historique de cession flou, un contrôle technique loin d'être à jour, des freins tellement usés que les plaquettes extérieures avaient disparu. « C'est l'étrier qui permettait d'arrêter le véhicule », relève la présidente du tribunal qui qualifiera son véhicule de « cercueil ambulant », une comparaison reprise ensuite par le ministère public et l'avocat des deux enfants.
Lors de ses réquisitions, le procureur de la république, Tristan Lamouille, demandera à ce que le conducteur, déjà connu de la justice, écope de 6 ans de prison ferme. « Une peine effarante » pour l'avocat du prévenu qui demandera un jugement empreint « d'humanité ».
Après plusieurs dizaines de minutes de délibération, le tribunal condamnera le conducteur à 4 ans de prison, dont un an avec sursis pour homicide involontaire, blessure involontaire, défaut d'assurance et de permis de conduire. Les magistrats ne retiendront pas la circonstance aggravante du délit de fuite. Avec, le prévenu aura l'obligation, une fois sa peine purgée de passer son permis de conduire.