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Brexit : Airbus est-il vraiment prêt ?

ENQUÊTE 100% - L'avionneur européen fait tout pour éviter un "no-deal" qui, selon lui, lui ferait perdre 1 milliard d'euros par semaine (!)

100%

Publié : 24 septembre 2018 à 12h14 par

Avis de tempête dans le ciel européen !

Alors qu’au Royaume-Uni, des voix se font entendre pour un nouveau référendum sur le Brexit,  de ce côté de la Manche, et notamment à Toulouse, on s’inquiète des répercussions que pourrait avoir un Brexit dur, voire une absence d'accord,pour Airbus.

 

1 milliard d'euros de perte ?

L’avionneur européen tente de faire pression pour que le Brexit, qui sera effectif le 29 mars 2019, lui soit le moins défavorable possible, notamment parce que les voilures des avions transportant des passagers sont fabriquées au Royaume-Uni, à Broughton, dans le pays de Galles, et Filton, dans la banlieue nord de Bristol.

Elles partent ensuite vers les sites d'assemblage de Hambourg, en Allemagne, ou de Toulouse.

Une absence d'accord, un "no deal", qui semble se dessiner entre l'UE et le Royaume-Uni serait ansi une catastrophe pour Airbus.


" Un no-deal menace l'avenir d'Airbus au Royaume-Uni. (...) Cela entraînerait une interruption de la production et nous devrions reconsidérer nos investissements. Un retrait avec accord est préférable à un no-deal . Actuellement, le plan de sortie prévu pour decembre 2020 est trop court pour qu’Airbus change sa supply chain", détaillait en juin dernier l'avionneur sur son site.

Dans une étude des risques, l'avionneur assure que ce scénario signerait des pertes équivalentes à 1 milliard d’€ de chiffre d’affaires par semaine ! 3 600 postes pourraient disparaître Outre-Manche, sur les 15 000 actuels. Airbus fait aussi travailler 4 000 fournisseurs, soient l'équivalent de 110 000 emplois.

 

Menaces sur Toulouse?

Le Brexit aurait-il des répercussions en France et à Toulouse? Oui, répondent les acteurs de l'aviation.

"Dans le pire des scénarios, le Brexit n’affecterait pas que les sites anglais mais tous les autres, et notamment Toulouse », a déclaré Tom Williams, le directeur industriel d’Airbus au magasine allemand Der Spiegel.


Paul Everitt , le chef d’ADS (qui représente les intérêts de l’aéronautique au Royame-Uni) a lui écrit à la Commission Européenne en répétant que l’industrie n’était pas prête pour le Brexit « sans préparation adequante, il y aura d’énormes perturbations dans aviation européenne ».

 

Taxes, délais et sécurité

Un "no-deal" supposerait en effet que tous les accords, notamment ceux sur l'aviation, seraient rompus.

Or les voilures, par exemple, représentent 80 000 déplacements annuels entre le Royaume-Uni et le contenu. Quid alors des délais supplémentaires et des taxes, quand certains éléments font trois aller-retours avant d'être assemblés?  Une aile pourrait-elle coincée à Douvres par des douaniers zélés?

Selon l'Expansion, le transport qui dure actuellement trois jours pourrait passer à trois jours et demi.

Par ailleurs, la certification et la sécurité posent problème. Les pièces des moteurs Rolls Royces par exemple, sont fabriquées là-bas et sont certifiées par l'Easa, un organisme européen. Si le Royaume-Uni sort de l'UE, ses pièces vont-elles encore être certifiés? A ce stade, selon les informations recueillies par 100%, il n'y aucune discussion entre la Grande-Bretagne et l'Easa. 

 

Pas de délocalisations ?

Airbus pourrait-il alors faire fabriquer ses ailes ailleurs qu'au Royaume-Uni ?
Selon des sources syndicales, si Airbus a menacé de geler ses investissements et de délocaliser, l'avionneur n'en a pas vraiment les moyens, en tout cas pas tout de suite, et n'a pas commencé à le faire (par exemple en Chine, à Tianjin, au sud de Pekin, d’où sortent déjà 4 avions par mois).


Les salariés toulousains eux assurent qu'on ne leur dit rien et sont persuadés qu'ils vont continuer à travailler avec les Anglais ou les Gallois.

 

Une bataille avant tout politique 

Airbus pourrait en fait bien faire les frais de la bataille engagée entre le Royaume-Uni et l'UE. Car même si les autres pays s'en défendent, les 27 semblent prêts à faire payer Thesera May, comme en témoigne le récent congrès de Salzbourg, en Autriche, où la première ministre britannique a été humiliée et ses propositions rejetées.


​Et ce quitte à fragiliser les entreprises européennes comme Airbus. Pour éviter de créer une exception et d'éviter que d'autres ne s'engouffrent dans la brèche?


Selon nos informations, le Conseil Européen a en tout cas souligné la nécessité de trouver un accord sur l'aviation. Mais actuellement, l'équipe du commissaire Michel Barnier, qui conduit les négociations sur le Brexit, n'a pas du tout abordé ce sujet. Elle se concentre sur la Cour de justice de l'UE et sur l'Irlande, hantée par le retour d'une frontière.

"Les entreprises qui fonctionnent au Royaume-Uni doivent décider ce qu'elles doivent faire et surtout se préparer à un no-deal", nous précise une source. Airbus est prévenu...

 

-Brice Vidal, Lise Dussaut et Clémence Fulleda- 

(photo AIRBUS: un A330 atterit à Farnborough, en Angleterre.)

 

Ecoutez les précisions de Brice Vidal pour 100% et un salarié d'Airbus