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Affaire Jubillar : pourquoi les juges n’attendaient probablement rien des analyses des eaux usées

Les eaux de la machine à laver et du siphon n’ont rien révélé. Une nouvelle information qui a fuité du dossier, alors que ce vendredi Cédric Jubillar sera auditionné pour la première fois comme suspect numéro 1 par les juges du pôle criminel de Toulouse.

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14 octobre 2021 à 15h01 par Brice Vidal

 

Selon les informations de nos confrères de La Dépêche du Midi, « les dernières expertises réalisées sur l'eau de la machine à laver du couple Jubillar » n'ont révélé « aucune trace de sang ni d'urine ». La machine aurait contenu la couette où pourrait avoir dormi la victime. Le siphon du lavabo de la salle de bains « ne comporte lui aussi aucune trace suspecte ». Delphine Jubillar a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Son mari, Cédric a été mis en examen et incarcéré pour homicide sur conjoint depuis le 18 juin 2021. Il n'y a donc ni le sang qui auraient pu attester d'une violente attaque, ni l'urine de chien - Cédric Jubillar ayant déclaré avoir lavé la couette en raison des chiens qui avaient uriné dessus.

Les magistrates estiment pourtant avoir suffisamment d’indices graves et concordants pour maintenir Cédric Jubillar en détention. Elles partent aujourd'hui du principe que le mari a tué sa femme et s’est débarrassé du corps. Ces analyses des eaux mettent-elles à mal l’accusation ? Pas forcément. On vous explique pourquoi.

 

Si meurtre il y a eu au domicile, il n’a pas été « sanglant »

 

En se plaçant du point de vue des magistrates, si Cédric Jubillar a tué sa femme dans la maison familiale, il y a fort à parier que le crime n’a pas été « sanglant ». Un meurtre avec une arme à feu ou une arme blanche aurait probablement laissé de nombreuses traces de sang, qui même nettoyées, auraient été vues grâce aux techniques de police scientifique comme le Bluestar : un révélateur de fluides corporels utilisé par les enquêteurs.

Une mise à mort par étouffement ou strangulation paraît plus probable et peut ne laisser aucun indice exploitable. Cette thèse pourrait expliquer le peu d’empressement des juges à faire analyser la couette, restée sous scellé à la gendarmerie de Cagnac jusqu’en juillet dernier. Au grand dam des avocats de la défense surpris de constater qu’un indice, souligné comme à charge par l’accusation (souvenez-vous de la conférence de presse du Procureur de l’époque, Dominique Alzeari), n’avait pas été étudié en temps et en heure.   

 

Les juges ont-elles un atout dans leur jeu ?

 

La question qui brûle les lèvres de tous les observateurs : les juges ont-ils dans leur manche une carte maîtresse pour vendredi ? Alors que les avocats du mis en examen ont tenté de démonter un à un les indices notifiés dans le dossier. Réussissant à instiller le doute.

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Il est peu probable « qu’un lapin sorte du chapeau » lors de l’audition du mis en examen. En effet, un indice important nécessiterait d’être étudié auparavant par les enquêteurs de la Section de recherches. Or, le fait ne pas le verser au dossier pour maintenir la défense dans le flou pourrait être reproché aux deux magistrates.

Pour autant, l’audition de Cédric Jubillar sera déterminante. Il sera interrogé notamment sur ses déclarations contradictoires : pourquoi a-t-il affirmé que Delphine avait sorti les chiens ce soir-là, avant de se rétracter ? Pourquoi le véhicule du couple était garé dans le mauvais sens ? Quid des cris stridents entendus par des témoins le soir de la disparition ? Cédric Jubillar aurait aussi déclaré avant la disparition de Delphine : « je l’enterrerai », « je connais un coin où personne ne la retrouvera. » L’ensemble de ses déclarations sera vérifié et confronté aux éléments du dossier. Le tout en présence de ses avocats.

 

Cédric Jubillar est-il innocent ?

 

Le peintre plaquiste de Cagnac est la dernière personne connue à avoir vu Delphine vivante. Depuis l’ouverture de l’information judiciaire le 23 décembre 2020, les gendarmes accumulent les indices et « ferment des portes ». La thèse de la mauvaise rencontre, qui disculperait le mari, a forcément été étudiée. Delphine a-t-elle pu sortir seule en pleine nuit et être victime d’un rôdeur ? Cette possibilité est avancée par les amis de Cédric Jubillar, mais rien n’est venu corroborer cette thèse. Et en pleine période de confinement, un individu circulant en pleine nuit aurait été peu discret.

Une chose est sûre, il manque une preuve irréfutable ou une pièce du puzzle. Si Cédric Jubillar a tué et enterré le corps de Delphine non loin du domicile, pourquoi ne retrouve-t-on pas de terre collée sous ses chaussures ou ses pneus, une pelle souillée, ou encore des indices laissant penser qu’il a tout nettoyé minutieusement après avoir commis son crime ? A-t-il prévu comme « lieu de l’inhumation » un secteur peu salissant ?

Sa personnalité pose aussi question. Les témoignages émanant de la prison évoquent un Jubillar assez hautain avec ses interlocuteurs, s’enorgueillit-il de son statut de suspect « star » ? Comme déclare son avocat Me Emmanuel Franck « ce ne sont que des indices de comportement ».

 

La clé de l'énigme Jubillar : le corps

 

Ce dossier est loin d’être terminé. Parallèlement, on apprenait récemment que les enquêteurs de la Section de Recherches de Toulouse - d’où rien ne filtre - fouillaient avec l'aide de spécialistes un ancien lavoir à charbon situé à Blaye-les-Mines. Ils continuent donc à travailler à l’abri du tumulte médiatique. Peut-être sont-ils les seuls à pouvoir trouver la clé de cette énigme, en retrouvant le corps de Delphine Jubillar. Car à ce stade, c'est un meurtre « sans corps, ni scène de crime » comme se plait à le souligner un autre avocat de Cédric Jubillar, Me Alexandre Martin. Cédric Jubillar est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit définitivement condamné par une cour d'assises. 

 

BV avec LB.