Toulouse. Latécoère a-t-il détourné de l’argent public ?
Un scandale selon le conseiller métropolitain d'opposition, Marc Péré, qui demande la création d'une commission d'enquête parlementaire. Explication.
Crédit : ARNAUD SPANI
22 mai 2023 à 21h35 par Brice Vidal
Latécoère a-t-il sciemment détourné de l’argent public ? Marc Péré demande une commission d’enquête parlementaire pour vérifier les agissements du groupe aéronautique. Selon le conseiller métropolitain, l’avionneur toulousain désormais propriété d’un fonds d’investissements a bénéficié de 273 millions d’aides publiques et de montages immobiliers. Il aurait utilisé le pactole pour racheter des sociétés, tout en délocalisant son usine de Toulouse-Montredon et en licenciant.
Achat et revente de la parcelle de Montredon (Toulouse)
"En 2017, Latécoère achète un terrain de 3 hectares à la Mairie de Toulouse bradé à 1 million d’€ [...] Latécoère emprunte la même année 55 millions d‘€ auprès de la BEI" pour financer la construction de Montredon. "L’achat de la parcelle et la construction ont été totalement financés par un prêt de la BEI, par des aides du Conseil Régional et un financement de l’Etat". Sauf que le terrain et l’usine ont été immédiatement revendus par Latécoère "à un consortium de 3 banques (LCL, Arkéa et BpiFrance) pour 21 millions d’€" et Latécoère "devient locataire de l’usine".
En février dernier, Latécoère annonce la délocalisation au Mexique et en République tchèque des outils de production de Montredon (109 salariés). Et les activités de câblage partent en Tunisie. Selon Marc Péré "le 8 mai 2023, le prêt de la BEI semble intégralement effacé" ; "on peut donc estimer que cette usine a rapporté en cash au moins 25 millions d’euros à Latécoère, soit le prix de la revente de l’usine plus les aides financières de l’Etat et de la Région, la construction de l’usine ayant été financée par un prêt BEI, annulé en mai 2023".
Latécoère a aussi, toujours selon Marc Péré, obtenu l’effacement de sa dette ; "le 8 mai 2023, le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI) a annoncé l’effacement de 60% des prêts garantis par l’Etat (PGE) à Latécoère ainsi que celui de l’intégralité des 55 millions d’€ d’emprunt contractés par Latécoère auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI)."
Vente de son site historique de Périole (Toulouse)
En 2018, Latécoère a vendu son site historique de Périole (5 hectares) [...] pour y réaliser une opération immobilière" Montant de la vente serait de 25 millions d'euros selon le maire de l'Union. Latécoère devient locataire d'une petite partie du site pour y installer son siège. Soit "en deux opérations, Latécoère a encaissé près de 50 millions d’€ de cash via la revente de l’usine de Montredon et son site de Périole".C'est là que l'entreprise est rachetée.
L’OPA de Searchlight
En 2019, le fonds d’investissement Searchlight Capital Partners rachète l'avionneur toulousain, "la société de capital-investissement immatriculée aux Iles Caïmans lance une OPA et prend le contrôle de 65% des actions". "Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice, demandera des comptes sur les raisons de la passivité du gouvernement face à ce passage sous pavillon américain d'une telle entreprise stratégique", suite à quoi "le ministère de l’économie se défausse en invoquant le secret des affaires et le secret de la défense".
PGE et rachats d'entreprises
Selon Marc Péré "en 2020 et 2021, l’État accorde 218 millions de Prêts Garantis par l’Etat (PGE) à Latécoère" et "le 8 mai 2023, les négociations sous l'égide du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI) conduisent à un abandon par les banques de 183 millions d'euros de dette". Sur les 218 millions de PGE, 128 sont donc effacés. "Entre 2021 et 2023, grâce à une trésorerie reconstituée [...] Latécoère achète 5 entreprises américaines ou canadiennes [...] pour 180 millions d’€". "A noter que l’une de ces sociétés (TAC) est achetée par Latécoère en 2021 à son propre actionnaire majoritaire Searchlight" et "Latécoère vient d’annoncer qu’elle revendait à Bombardier une société qu’elle avait achetée au même Bombardier il y a deux ans."
"Latécoère a donc utilisé de l’argent public pour acheter des entreprises à l’étranger, tout en licenciant en France" affirme l'élu toulousain. "Comment le gouvernement français a-t-il pu garantir un prêt à une entreprise contrôlée par un fonds d’investissement américain dont le siège social est aux Iles Caïmans ?" demande Marc Péré qui évoque "un scandale" et appelle à la création d'une commission d’enquête parlementaire "sur ce détournement d’argent public".