Pont de Mirepoix : 5 ans après l'effondrement, la justice tente de trouver des réponses

Le ministère public a pointé "une violation manifestement délibérée d'une obligation prévue par la loi ou le règlement", également prévue par l'information judiciaire. Il a requis la peine maximale encourue par une personne morale dans ce type d'affaires, à savoir 75.000 euros d'amende. Le jugement a été mis en délibéré au 5 décembre.

Publié : 16h36 par Franck Paillanave avec AFP

Cinq ans après l'effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn (Haute-Garonne), le tribunal correctionnel de Toulouse a tenté de trouver des réponses mardi sur les responsabilités du drame qui avait fait deux morts, dont une adolescente. A l'audience, la mère de la jeune défunte a dit attendre "beaucoup de ce procès, que la justice définisse la ou les responsabilités". Le 18 novembre 2019, un camion de près de 60 tonnes avait emprunté le pont enjambant la rivière Tarn prévu pour supporter une charge maximale de 19 tonnes. L'édifice avait cédé, entraînant le convoi exceptionnel dans la rivière, ainsi que la voiture où se trouvaient une adolescente de 15 ans et sa mère. Cette dernière avait réussi à rejoindre la berge, mais sa fille avait trouvé la mort, tout comme le conducteur du camion, âgé de 38 ans.


"Violation manifestement délibérée"


"Comment à notre époque peut-on mourir en traversant un pont pour aller à l'école?", a demandé la mère de l'adolescente décédée, qui ce jour-là l'emmenait prendre le bus pour se rendre au lycée professionnel. Peu après le drame, une information judiciaire avait été ouverte notamment pour homicide et blessures involontaires. Le pont n'était "absolument pas apte à supporter un camion avec une charge de 58 tonnes", a déclaré l'expert chargé de rendre ses conclusions devant le tribunal correctionnel. Une signalisation claire indiquait que le tonnage était limité à 19 tonnes. En l'absence du chauffeur décédé, seule la société de forage Puits Julien qu'il dirigeait et qui est désormais placée en liquidation judiciaire a comparu en tant que personne morale, au côté de l'assureur du véhicule, Allianz. 


"En trois secondes" 


Les parties civiles ont insisté sur les conséquences du drame qui s'est noué "en trois secondes", selon l'avocate de la mère, Me Marie Bellen-Rotger. "Je ressens une profonde culpabilité, la culpabilité du survivant, en même temps ce n'est pas logique de survivre à son enfant", a encore témoigné la mère devant le tribunal de Toulouse. "Il m'arrive de chercher ma fille partout dans mes rêves", a-t-elle ajouté. Lors de sa plaidoirie, son avocate s'est adressée à sa cliente: "Vous n'êtes pas coupable", a-t-elle martelé en la fixant dans les yeux. La grand-mère paternelle de la jeune fille a également témoigné, la voix tremblante, pour faire vivre le souvenir du père de l'adolescente, "mort de chagrin" selon ses mots en octobre 2023.


"Cinq ans que j'attends" 


"Cela fait cinq ans que j'attends de pouvoir dire mes paroles, et dans une salle d'audience c'est important parce que j'ai parlé directement à la justice", a encore souligné la mère. L'ouvrage, une structure métallique datant de 1931, avait été inspecté deux ans auparavant puis avait fait l'objet d'une visite de contrôle en décembre 2018, moins d'un an avant l'accident. L'hypothèse d'un manquement aux procédures de surveillance avait été écartée le jour même de l'accident par le Conseil départemental. Ce qui a été confirmé mardi à l'audience. Dans la foulée de l'effondrement du viaduc de Gênes (Italie) en août 2018, un rapport sénatorial avait pointé en juin 2019 l'état préoccupant d'"au moins 25.000 ponts" routiers en France, juste avant l'accident de Mirepoix-sur-Tarn.