DOSSIER. Médiathèques rurales en Haute-Garonne : où sont les déserts culturels ?
A l’heure du « tout écran », le département a-t-il suffisamment de médiathèques pour que nos enfants se cultivent et s’enrichissent ? La Haute-Garonne compterait seulement une cinquantaine de médiathèques de qualité. Quels cantons sont les parents pauvres et pourquoi ? Décryptage.
La minuscule bibliothèque de Garidech.
Crédit : biblio@mairie-garidech.com
4 octobre 2023 à 14h05 par Brice Vidal
A l’heure des addictions aux écrans de nos adolescents, le livre reste une arme d’éducation massive. Et la médiathèque l'outil de démocratisation ultime : livres et films pour tous. La Haute-Garonne bénéficie-t-elle de suffisamment de ce type de lieux. En zone urbaine oui. Mais en zone rurale ? Selon la carte que nous fournit la Médiathèque départementale, l’offre est dense ; « nous sommes un service qui outille les bibliothèques de 175 communes de moins de 20 000 habitants » explique Romain Madoyan, directeur de la MD31. La Médiathèque départementale a « un gros vaisseau amiral de 600 000 documents » mais il n’est pas ouvert au public ; « les bibliothécaires municipaux viennent plusieurs fois par an dans l’un de nos sites pour emprunter des documents par caisses pour les proposer à leurs usagers ». Ils sont 100.000 lecteurs de Fronton à Luchon.
Maillage serré mais au moins trois "déserts culturels"
Passons au crible les médiathèques en Haute-Garonne : les grandes communes hors Toulouse sont bien loties : Muret, Saint-Gaudens. Les secteurs comme le Lauragais, le Sicoval, le Volvestre bénéficient de médiathèques bien achalandées comme Castelnau d’Estrètefonds et ses 25 000 bouquins. Auterive, Lanta bientôt, Rieumes ou Cazères ne sont pas à plaindre. Mais 175 bibliothèques rurales, est-ce l'arbre qui cache la forêt ? Le département compterait en réalité seulement une cinquantaine de médiathèques de qualité.
A y regarder de près, certains sont mal lotis. En fait trois secteurs s’apparentent à de véritables déserts culturels : la communauté de communes Cœur & Coteaux Comminges (Aurignac et Montréjeau), la communauté de communes de la Vallée du Girou (Montastruc, Verfeil) et la Communauté de Communes Pyrénées Haut Garonnaises (Luchonnais). Là-bas, l’offre en terme de médiathèques est presque indigne : des sites ridicules, peu d’opérations en lien avec les scolaires, une offre de lecture à dose homéopathique. Pour Romain Madoyan « certes il y a quelques zones blanches » mais « le maillage est assez serré en Haute-Garonne ». En fait ce sont les communes qui sont financeurs des bibliothèques, donc si elles sont petites, il n’y a pas d’argent pour la culture. Un chiffre l’illustre : 500 bénévoles s’occupent des bibliothèques rurales pour seulement 200 salariés.
Pourquoi les communautés de communes n’investissent pas plus dans la culture ?
Dans la ruralité, les communautés de communes sont-elles défaillantes ? Ne doivent-elles pas plus investir dans la culture et se substituer aux communes exsangues financièrement ? Probablement. Entre Verfeil, Montastruc et Gragnague, les enfants et adolescents n’ont aucun accès public à la culture. Daniel Calas président de la communauté de communes de la Vallée du Girou et maire de Gragnague admet qu’il y a une carence « nos enfants lisent de moins en moins, ici les seuls à avoir un salarié c’est Gragnague, les autres reposent tout sur la volonté des bénévoles ». L’intercommunalité doit-elle prendre en main ce dossier ? « Franchement j’ai des vice-présidents qui sont là pour exprimer les besoins, pour le moment personne ne m’a parlé de créer une structure ». Et pourtant la communauté de communes de la Vallée du Girou manque d’une structure d’accueil pour les adolescents « ils trainent dans la rue, ils dégradent, il faut stopper tout ça » explique-t-il au sortir d’une réunion sur le sujet. Faire lire les enfants permettrait-il d’avoir moins de désœuvrement à l’heure de l’adolescence ? Sûrement.
Via le schéma de lecture publique, le département de Haute-Garonne, lui, accompagne et subventionne la création de médiathèques à condition que le projet soit suffisamment dimensionné. « Je ne peux pas promettre une médiathèque » confie Daniel Calas « mais il est évident que s’il y a 18 maires qui demandent... ». Préoccupé par le sujet, l'ancien journaliste Alain Puente patron de la communauté de communes Pyrénées Haut Garonnaises précise que « ce n’est pas une compétence communautaire du mandat » ; « gouverner c’est choisir et la priorité a plutôt été de développer l’accès aux soins et le tourisme ». Il manque donc la volonté politique. Charge aux élus des intercommunalités rurales de prendre leurs responsabilités.
NOTA BENE
- La Médiathèque départementale porte la politique du Conseil départemental en matière de développement de la lecture publique, compétence du Département.
- Elle accueille au quotidien dans ses deux sites à Labège et à Saint-Gaudens, les bibliothécaires des 170 bibliothèques municipales des communes de moins de 20 000 habitants, pour le prêt de documents, la formation et l’accompagnement dans leurs projets d’animation culturelle.
- Elle propose aussi à toutes les Hauts-Garonnaises et tous Hauts-Garonnais une médiathque numérique (livres, musique, film, presse et auto-formation) et assure le prêt direct aux usagers de quelques petites communes dans le cadre des tournées organisées avec 4 bibliobus.
- Peu de fermetures de bibliothèques dans le rural en Haute-Garonne (4 sur les 10 dernières années)
- Depuis 2 ans, 20 médiathèques se sont équipées en consoles de jeu
- Castelnau d’Estrétefonds
- Labège
- Auterive
- Fontenilles (« référente ado »)
- Chiffres lecture publique :
- de loin le 1er équipement culturel de proximité : 95% des Français sont à moins de 10min d’une bibliothèque
- la moitié des Français ont fréquenté une bibliothèque dans les 12 derniers mois
- en France : 16.000 bibliothèques publiques (180 en Haute-Garonne)
- inconditionnalité de l’accueil, gratuité d’accès
le maillage des bibliothèques en Haute-Garonne
Crédit : @100%Radio