Maintien en détention de Cédric Jubillar. Que devrait à nouveau dire la justice ce mardi ?
La justice s’est déjà prononcée 21 fois en faveur du maintien en prison. La Cour d’appel de Toulouse va encore statuer, ce mardi. Sa décision sera valable 6 mois.
Les avocats de Cédric Jubillar, Mes Alexandre Martin, Jean-Baptiste Alary et Emmanuelle Franck
Crédit : @100%Radio
19 juin 2023 à 14h14 par Brice Vidal
Suspect numéro 1 dans le présumé féminicide de Cagnac-les-Mines (81), Cédric Jubillar est sous les verrous, à l’isolement à la prison de Seysses depuis maintenant deux ans. La navette judiciaire est inlassablement la même depuis le 18 juin 2021, date de sa mise en examen et son placement en détention provisoire pour le meurtre de son épouse Delphine : le juge des libertés et de la détention décide de l’incarcération, la défense fait appel et la Chambre de l’Instruction confirme la décision du JLD. La "CHINS" de la Cour d'appel de Toulouse examine ce mardi une nouvelle fois cette affaire.
21 décisions de maintien en détention ou refus de remise en liberté à ce jour
Arguant du manque de preuves et conformément à leur stratégie, les avocats de Cédric Jubillar - qui clame son innocence - ont pour leur client demandé à 7 reprises une libération sous contrôle judiciaire. Et à chaque fois deux instances statuent s'ils font appel, ce qui au total revient à 14 passages devant une juridiction compétente. A cela s’ajoute ce qu’impose la loi : lorsque la justice décide d’un placement en détention provisoire, la première décision du JLD est valable un an, puis elle est à renouveler tous les 6 mois. Ce qui signifie que la justice aura, dans quelques jours, statué 22 fois sur le cas Jubillar avant son procès. Avec au final la même réponse : maintien en détention. Quels sont les arguments avancés par la quinzaine de magistrats ayant eu à étudier le dossier le plus médiatisé de France ?
La défense n’évoque plus le départ volontaire de la victime
Dans l’affaire Jubillar, l’arrêt de la Chambre de l’Instruction représente un corpus d’une trentaine de pages qui reprend l’essentiel du dossier. Selon le dernier arrêt que nous avons pu consulter, « il existe des indices graves et concordants permettant de penser que Delphine Jubillar est morte » et « l’absence de traces de sang relevée par la défense n’exclut pas d’autres manières de donner la mort ». L’infirmière de 33 ans « a disparu sans son sac à main, sans moyens de paiement, sans prendre sa voiture » dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 et « l’ensemble des témoins s’accordent à dire qu’elle n’aurait jamais disparu en laissant ses enfants », Delphine Jubillar était « heureuse dans son travail, entourée d’amis, elle avait un amant avec lequel elle avait des projets heureux ».
Il n’apparait donc « pas possible de retenir la thèse d’un départ volontaire. » Par ailleurs, il n’a été découvert « aucun rôdeur susceptible de l’enlever. » La thèse un temps épousée par les avocats de Cédric Jubillar selon laquelle Delphine aurait volontairement quitté le domicile familial « n’a pas été soutenue dans le présent mémoire d’appel » précise la Chambre de l’instruction dans son arrêt du 28 mars 2023.
Les indices
Delphine voulait divorcer et pour Cédric Jubillar « cette séparation imminente » « était mal acceptée », il espionnait sa femme, « tentant de la géolocaliser au mois de septembre 2020 » et « Cédric Jubillar avait proféré des menaces de mort à l’encontre de son épouse » allant jusqu’à prévoir que « personne ne la retrouverait » et « plusieurs témoins ont confirmé qu’il se vantait d’avoir enterré son épouse près d’une ferme qui a brûlé ». Le plaquiste a affirmé que sa femme a promené les chiens le soir de la disparition, avant de changer de version et « des voisines affirment avoir entendu des cris de femmes vers 23h ». Lorsqu’il se réveille dans la nuit « entre 3h45 et 4h » Cédric Jubillar se connecte au site de rencontres Badoo « ce qui ne semble pas compatible avec le fait (comme il l’a déclaré) de se lever en pleine nuit pour aller s’occuper d’un enfant qui pleure » ; « il a contacté les amies de sa femme à partir de 3h59 » puis « les gendarmes à 4h09 » « il ne lui a donc fallu qu’une quinzaine de minutes pour alerter les gendarmes. » « Il est également curieux que son téléphone soit éteint de 22h08 à 3h50, précisément dans le créneau horaire de la disparition » indiquent ces magistrats totalement différents et indépendants de ceux qui ont diligenté l'enquête.
« Le véhicule 207 de la famille semble présenter – selon les experts - des traces de condensation et ne pas être garé dans le même sens que d’habitude. » « Les expertises concernant les lunettes de Delphine Jubillar (...) semblent montrer qu’elles étaient inutilisables » et « elles auraient pu être cassées par un coup de poing ». Enfin le bornage montre que le téléphone de Delphine Jubillar - qui n’a jamais été retrouvé - « est resté dans le périmètre du domicile conjugal et qu’il a été déverrouillé à la suite d’une action humaine à 6h52, une heure où Cédric Jubillar n’utilisait pas lui-même son propre téléphone ».
Cédric Jubillar « bétonne » selon les psy
Par ailleurs, les expertises psychiatriques et psychologiques révèlent que Cédric Jubillar « n’a jamais prononcé le nom de son épouse » durant les entretiens, le plaquiste est décrit comme « une personne insusceptible d’être déstabilisée, adoptant un récit maîtrisé, bétonné » résument les juges de la Cour d'appel. Selon plusieurs sources proches du dossier, l’instruction devrait être terminée d’ici la fin de l’été ou en septembre 2023. Les juges d’instruction Audrey Assemat et Coralyne Chartier devraient décider d’un renvoi de Cédric Jubillar devant la Cour d’assises du Tarn à Albi, un procès qui pourrait se tenir au second semestre 2024.