Toulouse : le tueur à la burqa avait mitraillé tous azimuts et abattu froidement Djamel Tarhi
2 septembre 2021 à 18h34 par Brice Vidal
Procès : le commando « au landau » avait fait 1 mort et 7 blessés, traumatisant tout un quartier à l'été 2017.
A Toulouse, au milieu des familles quartier de la Reynerie, les tueurs avaient mitraillé méthodiquement. Froidement. Une fusillade d'une violence extrême. L’affaire dite du landau est jugée à partir de lundi 6 septembre 2021 devant la Cour d’Assises de Haute-Garonne. 8 individus comparaissent notamment pour meurtre en bande organisée.
Le 3 juillet 2017, vers 21 heures, deux hommes dont l’un couvert d’un niqab poussant un landau, l'autre en qamis (habit traditionnel masculin musulman), sortent leurs Kalashnikov et armes de poing et tirent tous azimuts au 14 cheminement Auriacombe. Une dizaine de personnes sont blessées, certains n'ont rien à voir avec la vendetta. Un règlement de comptes de plus à Toulouse, mais celui-ci a de quoi traumatiser la population. Les tireurs ont "rafalé", des dizaines d'ogives seront retrouvées, certaines à 400 mètres de la fusillade dans des appartements occupés par des familles. La scène de crime s'étend sur 200 mètres.
Pour approcher au plus près de leur victime, les assassins ont utilisé la technique dite du "cheval de Troie". Puis, ils ont canardé à l'arme automatique, créant une panique monstre. Ils achèveront leur cible, blessée, rue de Kiev. Il s'agit de Djamel Tarhi. Un individu très défavorablement connu de la justice, méfiant, armé et protégé par une garde rapprochée. Il est tué de plusieurs balles, dont une dans la tête. Les tueurs avaient des complices pour pister, d'autres qui les attendaient. Ils s'enfuiront respectivement sur un scooter TMAX et une moto Suzuki. Landau et deux-roues seront incendiés pour éviter tout élément d'identification.
Clan Derqaoui contre clan Tahri.
La police judiciaire, agissant sur commission rogatoire, va mener des investigations de premier ordre, grâce aux différents témoignages et au bornage téléphonique. La piste d'un règlement de comptes, sur fond de trafic de stupéfiants, entre deux groupes mafieux de Toulouse est rapidement privilégiée. Des rivalités entre clan "Derqaoui" de Bagatelle et clan "Tahri" de La Reynerie avec en toile de fond le contrôle des territoires de deal. La rumeur "des quartiers" affirme que Djamel Tarhi ne serait pas étranger à l'assassinat d'un des frères de Walid Derqaoui qui est sur le banc des accusés. Ce même Walid Derqaoui qui, caché, aurait échappé à un assassinat ciblé le 23 avril 2017 au bar Le Loup à Toulouse, fusillade qui coûte la vie à Amine Bouaouina. Des témoins affirment que Derqaoui est le tueur à la burqa et a fêté le "flinguage" de Tarhi, champagne à la main, dans une vidéo Snapchat.
Un des tueurs recruté dans la région lyonnaise ?
Reste que l'assassinat de la Reynerie a été minutieusement préparé. Des hôtels ont même été loués par les protagonistes "pour faire office d'alibi" explique-t-on de source proche de l'enquête. Et la police judiciaire dispose d'assez d'éléments pour prouver qu'un des tueurs "a été recruté à Lyon". Technique assez répandue chez les criminels lorsqu'il s'agit de faire exécuter un contrat.
Entre le 27 juillet 2017 et le 6 février 2018, une dizaine de personnes dont Walid Derqaoui étaient placées en garde à vue à Toulouse et Lyon. Armes, qamis, téléphones et gilet pare-balle sont saisis. A partir de lundi, huit d'entre eux doivent répondre notamment de meurtre en bande organisée, tentatives de meurtres en BO et association de malfaiteurs.
Des victimes collatérales d'une scène de guerre.
Me Maître Nicolas Raynaud De Lage représente une des victimes collatérales, touchée dans la fusillade. Son client a reçu une balle dans chaque pied et demande aujourd'hui réparation ; "il a vu sa dernière heure arrivée, les agresseurs avaient une cible, lui ne savait pas si c’était ciblé ou si c’était un attentat. Il a vécu ça comme une scène de guerre [...] il en garde des stigmates, il ne peut plus courir ni faire de sport et garde des fragments dans les pieds. Il connait tous les syndromes post-traumatiques de la victime."
Les sept accusés nient tous leur participation. Me Emmanuel Franck qui défend Jamel Bettouati affirme qu’elle va « demander l’acquittement » ; « mon client était en possession d’une arme lors de son arrestation, mais elle n’a rien à voir avec cette affaire ». Me Pierre Le Bonjour l’avocat de Walid Derqaoui estime lui que l’accusation a fait « par choix » de son client « un coupable idéal », c’est pour lui une « construction policière complètement artificielle » sur laquelle la Cour d’Assises « a trois semaines pour faire toute la lumière ».
Derqaoui est-il le tueur à la burqa ? A-t-il voulu venger la mort de son frère ? Ses coaccusés sont-ils les complices ? Le verdict devrait intervenir le 24 septembre.