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Saint-Valentin à Toulouse : Séparé par la guerre, ce couple ukrainien vit un amour sans frontière

Inna et ses deux enfants sont logés à Toulouse. Son mari Oleksii est quant à lui resté en Ukraine, au front. 

14 février 2023 à 15h55 par La Rédaction

Mardi 14 février, jour de Saint-Valentin. Mais depuis le 24 février 2022, certains sont séparés par la guerre... Il y a presqu’un an, Inna et ses deux enfants sont arrivés dans la Ville Rose pour fuir les bombardements russes. Son mari Oleksii, ingénieur à l’origine, est quant à lui resté sur place pour renforcer la défense ukrainienne. « On s’y était préparé mais on continuait de croire que ce n'était pas possible. Avant le 24 février (début de la guerre, ndlr), je savais où j’allais et où allaient ma femme et mes enfants », témoigne-t-il. Inna ajoute : « préparés oui et non... Nous avions un petit sac à dos avec tous les documents et une bouteille d’eau. Je savais qu’il fallait partir. Nous avons eu une fenêtre de deux heures avant de nous séparer. Nous avons dit aux enfants qu’il s’agissait d’une météorite, mais le grand a compris ce qu’il se passait en écoutant la radio ».  

Grâce à leur passion commune, le patrimoine historique, le couple échangeait avec des passionnés du monde entier. C’est après avoir passé un mois et demi en Autriche chez l’un d’entre eux, avoir récupéré des vêtements sur place, qu’Inna et les deux enfants de 7 et 10 ans sont arrivés en Haute-Garonne. « Par le biais d’une association, nous avons eu le contact d’une bénévole. Elle nous prête son logement de 26m². Je n’ai pas ouvert nos valises pendant 10 jours car je ne savais pas si on allait vite repartir. Mais aujourd’hui nous y sommes toujours, les enfants sont scolarisés, nous avons eu beaucoup de chance », confie-t-elle. 

« On s’imagine toujours le pire »

Comme tout couple à distance, Inna et Oleksii essayent d’échanger un maximum. Si aujourd’hui les amoureux peuvent communiquer une fois par semaine, lors du jour de repos d’Oleksii, les débuts ont été plus difficiles. « Quand il était en toute première ligne, il y avait une période où les discussions étaient sécurisées. Effectivement, les canaux sont tous codés car tout est traqué, tout est surveillé. Mais quand il est parti de la première ligne, tout est devenu plus simple. On parle aujourd’hui sur l’application Viber et il n’y a pas de soucis », explique l’ancienne dentiste.

 Pour la première fois depuis le début de la guerre, son mari a pu descendre 10 jours ici, à Toulouse. Les troisièmes retrouvailles pour le moment. « La première fois, c’était quatre mois après le début de la guerre, quand je suis parti de la première ligne côté Est. Inna est venue en voiture. Même quand on se voit, la guerre est tout le temps présente car on sait qu’elle n’est pas finie et que je dois repartir au front », confie-t-il. Et chaque départ est une déchirure. Inna est constamment confrontée à l’idée de perdre son mari. Elle en parle, en larmes : « Pendant plusieurs jours nous n’avons pas de nouvelles du tout. Effectivement, on s’imagine des choses, on s’imagine le pire. Pendant ce temps-là, nous suivons les actualités pour savoir tout ce qu’il se passe. Mais nous n’avons pas de texto. Donc quand on reçoit son message pour nous dire que tout va bien, on revit à nouveau ». Pour Oleksii, vivre loin de sa famille est tout aussi difficile. « Les premières semaines c’était très dur car la guerre était près de chez nous, nous habitons à Brovary. Quand j’allais d’un point à un autre, je passais souvent devant chez moi. C’est dur de défendre un pays, mais encore plus chez-soi. Rien que d’aller dans notre appartement et d'entrer dans la chambre des enfants ça fait mal. Au début, je ne m’autorisais pas d’acheter de la glace, car la glace c’était toujours par kilos et pour toute la famille », témoigne-t-il, ému lui aussi. Et quand on lui demande s’il est craintif à l’idée qu’Inna refasse sa vie en France, son avis est catégorique : « Je ne me suis même pas posé la question. Le plus important pour moi en ce temps de guerre, c’est la sécurité de mes enfants, de ma femme, de ma famille. Ce à quoi je pense tout le temps, c’est à la fin de la guerre, c’est à reprendre notre vie d’avant, avant que la guerre ne commence ».

« Notre futur est lié à l’Ukraine »

Difficile pour eux de parler de leur avenir. « Je n’arrive pas à me projeter », dit-elle fermement avant d’ajouter : « je vis à l’horizon du 7 juillet seulement, la fin de l’école pour mes enfants ». Pour Oleksii, son avenir, c’est l’Ukraine. « Si on se bat pour ce pays, c’est parce que notre futur est lié à l’Ukraine. Jusqu’à la victoire, je me lie avec eux. Bien sûr qu’on peut refaire notre vie mais pour le moment ça reste notre pays ».  

En attendant le départ d'Oleksii samedi, les amoureux comptent bien profiter, car de leurs dires, une Saint-Valentin existe aussi en Ukraine. « On n’a pas forcément de tradition que l’on poursuit d’années en années mais on faisait des choses romantiques. Par exemple, Oleksii cousait des petits cœurs avec O+I. Pour la fête des amoureux demain, je lui fais visiter Toulouse », dévoile Inna avant de finir sur une note plus positive : « Notre couple tient malgré la guerre car c’est 15 ans d’amour et deux enfants. Mais je le dois aussi à la patience de mon mari qui doit supporter mon caractère ! »

Valentine Gaxieu 
Traduction : Iryna Tuz
Crédit photo : 100% - Valentine Gaxieu