Révélation 100%. Ce que peut prouver la reconstitution : Cédric Jubillar n’a pas cherché Delphine le matin de la disparition
Selon des documents confidentiels que nous avons pu consulter, le plaquiste tarnais n’a pas mené de recherches. L'analyse du podomètre l'accable. Un élément du dossier que les juges vont peut-être pouvoir vérifier le 13 décembre au soir. Dossier.
7 décembre 2022 à 12h17 par Brice Vidal
Le 13 décembre prochain, un des derniers temps forts de l’instruction intervient, dans l’enquête sur la disparition de l’infirmière de Cagnac-les-Mines, Delphine Jubillar, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Son mari, Cédric Jubillar, est mis en examen et maintenu en détention depuis le 18 juin 2021 pour meurtre par conjoint.
La reconstitution judiciaire va-t-elle faire la lumière sur cette tragédie ? Pas sûr, tant cette affaire diffère des féminicides sur lesquels la justice enquête habituellement. Le corps de Delphine n’a jamais été retrouvé et les enquêteurs n’ont pu matérialiser aucune scène de crime, ni identifier aucune arme du crime. La reconstitution, qui démarre à 20 heures et pourrait se terminer aux alentours de 3 heures du matin, est une demande de la défense « on aimerait savoir quel est le scénario de l'accusation » soulignait Me Emmanuelle Franck, un des trois avocats de Cédric Jubillar. L’accusation, de son côté, pourra-t-elle prouver l’implication du Tarnais ? Pas certain non plus, car selon une source proche du dossier, « cette séquence n’a aucun intérêt, on ne fait pas de reconstitution en principe lorsqu’il n’y a ni corps, ni aveu du mis en cause. » Mais nous sommes en mesure de vous révéler que certains points du dossier pourraient être, comme disent les magistrats, « objectivés ». Voici lesquels.
Le podomètre…
Parmi les indices graves et concordants qu’estiment avoir glané les gendarmes de la Section de recherches, il y a les données du podomètre du mis en examen. Il fonctionne « en tâche de fond » et n’oblige pas l’utilisateur à le démarrer, comme le précise une expertise de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie).
Les enquêteurs sont convaincus que Cédric Jubillar, dont le téléphone est éteint entre 22h08 et 3h53 (les expertises montrent qu’il n’a été éteint que deux fois sur toute l’année 2020), n’a jamais cherché son épouse disparue. En effet, selon des documents confidentiels auxquels nous avons eu accès, son application « Podometer » n’enregistre que 46 pas entre 3h53 et 4 heures. 255 pas pour la tranche 4h-5h. Très peu. Nous avons testé à plusieurs reprises un podomètre, et nous pouvons confirmer qu’il suffit d’un aller-retour chambre-toilettes pour comptabiliser une quarantaine de pas. Par ailleurs, se préparer pour partir travailler le matin, sans piétiner, en passant de la chambre aux WC puis à la cuisine et à la douche dans une maison d’une centaine de m² (celle des Jubillar fait 125m²), suffit à comptabiliser entre 250 à 400 pas. Or, chercher une personne implique bien davantage de distance parcourue.
Donc Cédric n’aurait jamais cherché Delphine, alors qu’il a affirmé le contraire, selon un procès-verbal des gendarmes « ses recherches sont minimalistes ». Mais comme l’oppose la défense de CJ « rien ne permet d’affirmer qu’il portait son téléphone », nécessaire au podomètre pour enregistrer les pas.
… devient un élément à charge en corrélant les données avec l’activité téléphonique
Sauf qu’un élément ne colle pas. Son épouse, avec qui il est en instance de divorce a disparu de la maison et selon les constatations techniques, il va rallumer son téléphone vers 3h50, et après le visionnage d’une vidéo du site de rencontres Badoo pendant plus d’une minute, va tenter de joindre Delphine entre 3h54 et 3h57, en vain.
Cédric va ensuite échanger une trentaine de messages avec une amie de Delphine jusqu’à 4h20, appelant les gendarmes à 4h09, soit 16 minutes après avoir rallumé son téléphone. Les militaires primo-intervenants arrivent à 4h50. Entre 4h20 et 4h50 le plaquiste va tenter de joindre Delphine de manière frénétique, 11 appels jusqu’à l’arrivée des gendarmes. 150 appels jusqu’à 8h12. Il ne s’est probablement jamais séparé de son smartphone.
Autre indice que met en avant l’enquête de la Section de recherches de Toulouse, dans la nuit du 9 au 10 août 2020, Cédric Jubillar est confronté à l’absence de son épouse au domicile, en pleine nuit. Il tente de la joindre en vain. A ce moment-là, elle contemple les étoiles à Cagnac tout en flirtant par téléphone avec son amant tarn-et-garonnais, confirmera ce dernier lors d'une audition. A son retour, elle dira à Cédric s’être endormie en regardant les étoiles. Le Tarnais n’a pas contacté les forces de l'ordre ce jour-là, ces mêmes gendarmes qui rappellent que Cédric quitte le domicile conjugal le soir du 16 décembre pour aller chez sa mère, comme si son épouse ne devait plus jamais rentrer. Il contacte durant les semaines suivantes les autorités « pour savoir qui va payer les factures » mais « jamais pour savoir si son épouse a été retrouvée ; tout en se gargarisant de sa nouvelle popularité sur les réseaux sociaux ».
Cédric Jubillar a-t-il joué au jeu vidéo le matin de la disparition ?
Cédric Jubillar affirme que son téléphone s’est éteint car la batterie n’avait plus la charge suffisante, alors qu’il jouait au jeu vidéo Game of Thrones le soir du 15 décembre.
Mais une expertise jointe au dossier d’instruction révèle que son indicateur de charge était à 91% le 15 décembre à 18h13, 40% vers 22 heures, 33% à 4h12, 70% le 16 décembre à 7h30… Quel va être sa ligne de défense lors de la reconstitution du 13 novembre ? Le téléphone a-t-il été éteint volontairement ?
Si les expertises menées depuis le 23 décembre 2020, date de l’ouverture de l’information judiciaire, confirme qu’il s’est connecté volontairement à Badoo avant de s’inquiéter de la disparition de son épouse, il n’en est pas obligatoirement de même pour la connexion à son jeu favori, Games Of Thrones. En effet, selon un document de la société Lab Center Expertise que nous nous sommes procurés, l’application GOT est connectée à 4h11 le 16 décembre, puis six fois entre 5h13 et 7h14. Le plaquiste était-il tranquillement installé à conquérir des territoires de Westeros sur son jeu ? Pas forcément, car même si la succession de notifications interroge, les experts estiment que « les traces découvertes ne révèlent pas nécessairement une activité utilisateur. »
L’intrigue de Cagnac est en passe de devenir aussi nébuleuse que la série écrite par Georges R. R. Martin.