“Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie”, la Toulousaine Kseniia est rentrée saine et sauve d’Ukraine
Elle avait accepté de témoigner sur ses conditions de vie en Ukraine sur 100% radio. Coincée dans son pays d’origine, ses journées étaient rythmées par les sirènes et les bombardements. Aujourd’hui rentrée en France, Kseniia nous livre un récit poignant.
Publié : 10 mars 2022 à 14h42 par La Rédaction
On pourrait croire que le retour dans l'hexagone est un soulagement total pour la mère de famille. Pourtant, encore beaucoup de ses proches sont bloqués en Ukraine : “Ma mère, mon père, mon frère, ses deux enfants et sa femme sont encore là-bas. Mes journées commencent toujours par un coup de fil, pour savoir s’ils sont toujours en vie. Je ne respire plus jusqu’au moment de leur réponse. Le soir c’est la même chose. Et ça c’est tous les jours”.
Un retour qui n’efface pas la peur donc, et qui a même profondément marqué Kseniia. Si l’itinéraire qu’elle a emprunté doit rester confidentiel, elle ne manque pas de faire part de ses états d’âme durant le trajet : “À chaque bus qu’on prenait, à chaque route qu’on empruntait je me disais, c’est maintenant, on va se faire tirer dessus, on va se faire bombarder…” Jusqu’à présent tapis dans un sous-sol, le fait de sortir au grand jour fut une véritable épreuve : “On regardait par la fenêtre du car, on disait que c’était pour maintenant, qu’un avion allait arriver. C’était très étrange, on voulait regarder l’horizon, et en même temps, on voulait à tout prix garder les yeux fermés". Son convoi est arrivé sain et sauf jusqu’en France. Son moral, restera lui fracturé à tout jamais.
“J’ai une cicatrice émotionnelle qui ne guérira jamais”
On parle souvent de choc post-traumatique pour les combattants revenus du front. Kseniia n’a pas pris les armes, or c’est un syndrome qu’elle est en passe de découvrir : “ Aujourd’hui, lorsqu’un camion passe, j’ai les tripes qui tremblent. Le moindre son devient très compliqué à gérer. Ce n'est même pas du stress. C’est un sentiment que je ne connaissais pas. Je me disais, pourvu qu’il n'arrive rien à ma fille. Pourvu qu’elle reste en vie…” Celle qui désormais s'est tournée vers des associations comme Ukraine Libre Toulouse pour continuer d’aider son pays, garde encore les blessures de son voyage : “En réalité, je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. J’ai une horrible cicatrice émotionnelle qui ne guérira jamais”.
Se relever pour préparer l’avenir
Aidant son pays à distance par le biais d’associations, Kseniia essaye de garder la tête haute : “On s’occupe de mettre des gens en contact, on fait de l’aide humanitaire, on fait des dons financiers. On essaye d’aider au maximum”. Malgré tout, une seule idée lui tourne en tête : “Honnêtement, l’envie de repartir est très forte. Si je n’avais pas ma famille et dix ans de moins, je repartirais c’est certain”. Envisager l’avenir ainsi que le dénouement de ce conflit est aujourd’hui compliqué. Sur le sujet, Kseniia possède pourtant un avis bien tranché : “Une seule personne sait ce qui va se passer. Et elle est totalement imprévisible”.
Thomas Duran