Entretien. Le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, se livre sur les dossiers tarnais marquants en cette rentrée
A69, quartiers prioritaires, énergies renouvelables, ruralité, sécheresse, centre de demandeurs d’asile : les dossiers ne manquent pas sur la table du préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, en cette rentrée. Entretien.
François-Xavier Lauch, préfet du Tarn
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9 septembre 2023 à 9h54 par Marion Chouly
L'Etat a annoncé un plan France ruralités en juin dernier pour davantage d'équité entre les territoires et pour répondre aux problématiques propres au monde rural. Quelle sera sa déclinaison dans le Tarn ?
La ruralité dans le Tarn, c'est 260 communes, c'est un sujet qui est majeur pour le département. Je souhaite donc faire de ce plan France ruralités une initiative forte, c'est-à-dire présenter un plan avec une dizaine d'actions, on est en train de les discuter, mais dans lesquelles il y aura ce qui compte pour une ruralité heureuse. Avec des choses très simples : rénover nos écoles, recréer des commerces là où il n’y en a plus, travailler sur un déplacement de proximité - et peut-être avec un petit peu plus de services de déplacement à la demande - travailler sur des choses qui comptent beaucoup pour les élus ruraux et dont ils me parlent, notamment la vie associative, le patrimoine. Et puis parce que c'est le sujet de notre temps, l'adaptation au changement climatique, là aussi les aider. On a des maires ruraux qui nous disent qu'ils ont les mêmes contraintes que les maires urbains et qu’ils n'ont pas tout à fait les mêmes chances. Avoir les mêmes chances, c'est avoir aussi le service qui va bien pour développer un projet et il y a une initiative très importante de l'Etat, c'est de recruter une personne en charge de l'ingénierie de ces projets, de ces villages d'avenir. Nous l'aurons dès le 1er janvier 2024.
Après la ruralité, un sujet un peu plus urbain : en fait-on assez pour les quartiers prioritaires ?
Je crois que non. Dans tous les cas, je ne peux pas rester les bras ballants après ce qu’il s'est passé au tournant du mois de juin et de juillet dernier. Donc, là aussi, je souhaite lancer une initiative à la rentrée, pour présenter un plan quartier un petit peu plus ambitieux.D'abord, je voudrais qu'on intensifie la lutte contre le trafic de stupéfiants dans les quartiers. Il est à la base de la majorité des problèmes que nous avons parce qu'en réalité, il fait croire à toute une génération que l'avenir est dans le trafic et pas dans l'éducation et dans le travail. Deuxième point : l'éducation. Je pense qu'il faut qu'on en fasse encore plus en termes d'éducation dans ces quartiers et là on a des sujets très techniques à régler de confortement des moyens dans ces quartiers. Ensuite, les services publics. J'étais très touché et très désespéré qu’on touche à la plus importante des France Services du département, dans le quartier de Cantepau à Albi. Je pense que la réponse que nous devons donner, c'est de mettre encore plus de services dans les quartiers.Pour résumer, je veux donner un horizon à cette jeunesse, tout simplement en faire plus pour eux, en termes d'emploi également.
En faire plus, également sur les énergies renouvelables ?
Je pense qu’on en est à une étape où tout le monde se rend compte que le changement climatique est là. C’est l'intense période de sécheresse qui nous a touché, entre le printemps et l'hiver dernier, c'est la recrudescence des feux de forêt, la vigilance rouge canicule de ces derniers temps, mais aussi la disparition de la biodiversité. Je crois que le changement climatique est là, les scientifiques s'accordent à dire qu'il est encore plus puissant que ce qu'on attendait, il est en train de toucher nos modes de vie, nos organisations et donc je crois qu'en bien des thématiques, il faut maintenant qu'on donne un coup d'accélérateur.Parmi les choses concrètes, il y a le fonds vert, des subventions supplémentaires que l'Etat donne dans les territoires, 6,5 millions d'euros cette année, pour financer beaucoup d'initiatives, parmi lesquelles le développement des énergies renouvelables. J’ai des objectifs très ambitieux pour le Tarn : quatre fois plus d'énergie produite en photovoltaïque, deux fois plus en éolien. D’ailleurs sur ce point, il suffit de rehausser un petit peu les mâts et de changer les moteurs pour y arriver. Il faut qu'on trouve aussi l'accord des populations autour de ces mesures-là sinon on va bien vite se retrouver accolé à un mur qu'on ne saura pas dépasser.
Après un été 2022 compliqué, quel bilan peut-on faire de cette année ?
D'abord, un épisode important de canicule, les températures actuelles peuvent d’ailleurs être qualifiées d'assez anormales pour un mois de septembre. Sur la question des feux de forêt, nous en avons eu infiniment moins que l'année dernière malgré des périodes de vigilance extrême, ce qui veut dire qu'on a bien traité les feux naissants.En ce qui concerne l'eau, on est en train de bien négocier une année qui aurait pu être très difficile. Je rappelle que nous avons commencé la saison d'étiage avec à peine 50 % de nos réserves dans les barrages. Je crois pouvoir dire que la gestion de cet été, en plus des pluies que nous avons eu, font que nous n'aurons pas de difficulté majeure en termes d'eau potable dans le département. Je crois que la saison ne s'est pas trop mal passée en termes d'irrigation pour nos agriculteurs, mais pour autant si vous regardez la carte nationale de vigilance, quasiment tout le département est en rouge. Donc une situation qui reste préoccupante, mais qui n'est pas catastrophique.
Ce manque d’eau, la vallée du Tescou en souffre particulièrement. Où en sont les projets sur ce territoire ?
Depuis que je suis dans le département, j'ai eu l'occasion de réunir deux instances de co-construction, qui est l'outil de concertation sur ce sujet du Tescou. Je crois pouvoir dire que nous travaillons dans un climat apaisé, entre le monde associatif, les agriculteurs, les élus… Ce dossier prend du temps, il est extrêmement sensible dans le département.Depuis quelques mois, nous avons un porteur de projets, qui est un syndicat de communes et d'intercommunalité, le syndicat du Tescou. Ce syndicat doit maintenant réfléchir, au regard de toutes les études qui ont été faites, et proposer une solution. Nous aurons une nouvelle instance de co-construction à la fin de l'année et sur ce dossier-là, en fonction des propositions que j'aurai, je prendrai mes responsabilités dans un esprit de concertation et de dialogue.
Une politique de dialogue que vous avez aussi appliquée sur le dossier du CADA de Réalmont, le Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile, qui a suscité de vives réactions au printemps dernier. Où en est-on aujourd’hui ?
Vous avez des personnes qui, dans le monde, parce qu'ils sont oppressés dans leur pays, le quittent, viennent à nos frontières ou sur notre territoire. Selon une longue tradition qui est celle de nos constitutions passées et actuelles, la France, parce que nous sommes un état de droit, qui respecte les conventions internationales, leur doit l'analyse de leur dossier et le droit d'asile. En tous les cas, la possibilité qu'ils puissent devenir réfugiés si, après l'étude de leur dossier, on considère qu’ils étaient réellement menacés dans leur pays. Cette situation intermédiaire avant d'être réfugié, c'est celle de demandeurs d'asile.Certaines personnes dans le département, de manière politique, avec parfois en arrière-plan une forme de racisme, ont voulu faire croire que l'Etat, un maire peut-être, allait créer des structures d'accueil pour des personnes qui rentraient illégalement sur le territoire, dans le dos des habitants. Et contrairement, encore une fois, à ce que certains ont voulu dire, les demandeurs d’asile ne posent aucun problème notamment de sécurité dans notre département.Mon travail, c'est de créer les places qui sont nécessaires pour les demandeurs d'asile, c'est aussi de reconduire à la frontière ceux qui se maintiennent illégalement sur notre territoire. Mon rôle, c’est aussi de sortir de la polémique sur ce sujet-là, sortir de ces oppositions, en allant au-devant des maires qui sont volontaires et j'ai lancé une première phase du travail au courant de l'été. On est en train de la poursuivre en septembre pour trouver ces 50 places avec notre opérateur et j'ai dit que ces places seraient créées, je le ferai, c'est un objectif prioritaire, mais que je le ferais avec l'accord des maires et au vu et au su de tout le monde. De nombreux maires se sont déjà portés volontaires.
Autre dossier polémique, l’A 69, avec de nouvelles actions fortes annoncées fin octobre. Quelle est votre position face à cela ?
Je suis très serein par rapport à la situation. Depuis le 1er mars dernier, date à laquelle j'ai signé l'autorisation de début des travaux avec mon collègue préfet de la Haute-Garonne, le chantier avance. Je fais le constat que nous avons toujours une opposition à ce projet qui n'évolue pas beaucoup en nombre par rapport à ce qu'elle était il y a déjà un an de cela. Cette opposition ne freine pas les travaux et ne freine pas le calendrier : l'autoroute A 69 ouvrira avant la fin de l'année 2025.Actuellement des travaux de déboisements et de coupes d'alignement d'arbres ont repris depuis le premier septembre. Toutes les coupes d'arbres qui étaient prévues ont été réalisées, j'ai bien noté que certaines personnes tentaient de s'opposer au chantier. Le moment venu lorsque nous aurons à le faire dans le Tarn, s’il y a opposition, nous ferons respecter le droit et nous délogerons les personnes qui sont dans ces endroits-là, en lien avec le ministère de la Justice. Je ferai respecter l'autorisation que j'ai donné évidemment et les travaux se dérouleront. Tout comme l’a fait mon collègue préfet de la Haute-Garonne à Vendine, ça se passera très exactement de la même manière dans le Tarn.Enfin, il y a un front juridique qui a été ouvert, et il est absolument normal qu'on puisse contester les décisions préfectorales. Je me contenterai simplement de dire qu’absolument tous les recours qui ont été intentés contre les services de l'État jusqu'à présent, ont été perdus par les opposants.