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Pénurie de magistrats à Toulouse : le tribunal obligé de supprimer des audiences

Une justice à l'agonie à Toulouse. Les syndicats dénonçaient depuis des mois une situation critique, les chefs de juridiction sonnent l'alerte à leur tour.

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2 février 2023 à 9h32 par Brice Vidal

 

La justice toulousaine au bord de la crise de nerfs. Le manque de magistrats de plus en plus criant sur le ressort oblige désormais le président du tribunal judiciaire à supprimer pour plusieurs mois la tenue des audiences à victimes ; "je fais cela la mort dans l'âme" regrette Xavier Pavageau "mais je n'ai pas le choix, il faut des annonces rapides pour recruter massivement" car à l'heure actuelle "au delà des équipes en épuisement professionnel, ce sont des enfants à protéger pour lesquels on ne peut pas prendre des mesures, des audiences correctionnelles ajournées ou des audiences à victimes renvoyées à 2024".

 

Pourquoi la justice toulousaine est-elle sous-dotée ?

Alors que la moyenne est de 12 juges pour 100 000 habitants en France, le tribunal judiciaire de Toulouse n'en compte même pas 6 ! Une situation qui conduit à des surcharges de travail pour les magistrats aussi bien au siège qu'au parquet depuis plusieurs mois, "on craint les burn-out et l'effet domino" prévient le président. Le procureur de la République Samuel Vuelta-Simon est sur la même ligne dans ce tribunal également pôle criminel de trois départements limitrophes, "nous sommes passés entre 2021 et 2022 de 93 000 plaintes à plus de 100 000" expliquait Samuel Vuelta-Simon lors de son audience de rentrée et "comparativement nous avons moins de magistrats que les ressorts de Créteil, Versailles, Lille ou Marseille alors que le bassin de population est plus important" ; "les effectifs et les moyens dont dispose le tribunal de Toulouse ne correspondent pas à la réalité judiciaire du ressort d'1,3 million d'habitants" peste le patron du parquet. Celui de Toulouse compte 28 magistrats "il en faudrait 35" souligne le proc' qui reconnaît avoir bénéficié de renforts récents mais "on part de tellement loin qu'ils sont encore insuffisants". 


Côté siège, Xavier Pavageau a à sa disposition 75 juges alors qu'il en faudrait 100 à 120. Conséquence de ce sous-dimensionnement : le moindre arrêt de travail (exemple : magistrates en congé maternité) oblige la juridiction à supprimer des audiences. L'image d'Epinal de Toulouse - rugby, cassoulet et douceur de vivre - la dessert-elle à Paris lorsqu'il s'agit d'arbitrer les nominations ? Il est légitime de le penser sachant la forte activité délinquantielle à Toulouse, ville qui n'a même pas de JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée à l'international) au contraire de Bordeaux, dont la majorité des dossiers viennent justement de la Ville rose... Et pourtant "pas une semaine sans que des trafiquants de drogue soient jugés à Toulouse, ou que des armes à feu soient découvertes (x2 par rapport à 2019) " note SVS. A Toulouse les atteintes aux personnes ont bondi d'environ 10 000 en 2019 à 19 600 en 2022. 

 

Les syndicats de magistrats vent debout lors de l'audience de rentrée le 27 janvier 2023

Les syndicats de magistrats vent debout lors de l'audience de rentrée le 27 janvier 2023

 

Les avocats aussi tapent du poing sur la table

Le conseil de l'ordre des avocats n'est pas en reste dans cette mobilisation générale, "c'est pas un plan quinquennal qu'il faut c'est un plan d'urgence. Les recrutements c'est pas dans 5 ans, on tiendra 5 jours ou 5 semaines maximum" lance Caroline Marty, le nouveau bâtonnier qui a écrit, ce mercredi, au Garde des Sceaux pour réclamer plus de moyens humains et matériels. "Certains justiciables n'ont pas accès à un juge, des contentieux sont priorisés au détriment d'autres, c'est très inquiétant" se lamente-t-elle. La conférence des avocats et l'ordre des avocats de Toulouse organisent le 8 février un procès fictif pour "tentative de meurtre de la justice" pour "démontrer la situation réelle dans laquelle la justice est rendue à Toulouse".

 

Mes Caroline Marty-Daudibertières et Thomas Neckebroeck, bâtonnier et vice-bâtonnier.

Mes Caroline Marty-Daudibertières et Thomas Neckebroeck, bâtonnier et vice-bâtonnier.

Xavier Pavageau, président du tribunal judiciaire de Toulouse et Samuel Vuelta-Simon procureur de la République de Toulouse.

Xavier Pavageau, président du tribunal judiciaire de Toulouse et Samuel Vuelta-Simon procureur de la République de Toulouse.