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Oui, le nouveau Lévothyrox peut provoquer des effets secondaires selon une étude toulousaine

Les malades de la thyroïde se disent soulagés. Explications.

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5 avril 2019 à 9h38

Oui, la nouvelle formule du Lévothyrox peut provoquer des effets secondaires. Non, elle n'est pas équivalente ni substituable à l'ancienne et non, elle ne convient pas à tous les malades de la thyroïde.

Voilà ce que dit une étude menée par un biostatisticien qui travaille à l'Université de Toulouse, à l'Inra et à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse et dont les résultats ont été publiés dans ce jeudi 4 avril dans la revue Clinical Pharmacokinetics et relayés par Le Monde.

 

6 patients sur 10 concernés

Les chercheurs de Toulouse, de l'Inserm de Londres et du CNRS de Bordeaux ont épluché les données fournies le laboratoire Merck à l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Il leur a fallu re-rentrer à la main des milliers de données et les vérifier.
Merck avait en effet mené une étude sur 200 patients et avat conclu que la nouvelle formule pouvait se substituer à l'ancienne. Le laboratoire avait alors mis sur le marché, en mars 2017, la nouvelle formule, dont se sont plaints de nombreux patients qui ont souffert de fatigue, de vertige, de douleurs musculaires ou encore qui ont eu des idées suicidaires.

Sauf que la méthode appliqué par Merck n'était pas assez précise selon cette nouvelle étude. Cette dernière prouve que près de 60% des personnes qui prennent la nouvelle formule du Levothyrox peuvent ne pas réagir de la même manière qu'avec l'ancienne formule. Et donc moins bien la supporter.

 

Comme "la lettre volée" d'Edgar Allan Poe

Mais comment des chercheurs arrivent-ils à des conclusions différentes à partir des mêmes données? Le Monde l'explique en comparant cette histoire à celle de la lettre volée, la nouvelle d'Edgar Allan Poe. 

Merck a en fait procédé à un essai de "bioéquivalence moyenne", une méthode respectant la réglementation de l'Agence européenne du médicament, mais qui ne mesure que la moyenne. C'est un peu comme si on ne regardait que la moyenne d'une classe scolaire, sans regarder les notes du meilleur et du plus faible. La moyenne cache les disparités, et cette nouvelle étude les révèle.

"Faire une moyenne et se dire que ça passera, c'est juste du mépris", s'indigne Sylvie Chéreau, la fondatrice du collectif des victimes du nouveau Levothyrox en Occitanie

 

Le soulagement des malades

Mais outre la colère de Sylvie Chéreau, les malades de la thyroïde sont aussi soulagés, car pour la première fois, une étude scientifique prouve que le nouveau Levothyrox peut avoir un impact sur leurs hormones et donc provoquer des effets secondaires.

Et elle va à l'encontre de ce que disaient certains  medecins qui parlaient d'un "effet Nocebo", c'est à dire que des patients anticipaient des effets secondaires après les témoignages allant dans leur sens.

 

Merck réagit

Après la parution de l'article du Monde, le laboratoire Merck a indiqué que dans les autres pays, “les lancements de la nouvelle formule de Lévothyrox, en Suisse et en Turquie, se sont très bien déroulés, sans problématique d’effets secondaires particuliers et sans changement de traitements pour les patients”.

 

Le médicament bientôt expertisé à Toulouse ?

100% vous l'avait révélé en mars, la nouvelle formule du Lévothyrox pourrait bientôt être expertisée à Toulouse.
Me Jacques Lévy, l'avocat d'une quarantaine de malades avait écrit aux experts mandatés par la justice afin de leur demander d'expertiser les lots distribués au moment où les patients ont été malades, avec l'aide d'un sapiteur. Mais depuis, l'avocat a claqué les portes des expertises, considérant qu'on ne recherchait pas les véritables causes des malades et dénonçant l'absence d'indépendance de l'une des experts qui a un site fourni par le laboratoire Merck.

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Nul doute que cette nouvelle étude donnera de nouveaux arguments au pénaliste toulousain.

Par ailleurs, un chercher toulousain à l'université Paul Sabatier de Toulouse et au CNRS avait publié en octobre dernier une étude, dévoilée par Médiacités, où il révélait avoir trouvé des éléments chimiques impurs dans la nouvelle formule. Mais le CNRS s'était désolidarisé de ses travaux, indiquant n'avoir pas été mis au courant, précisant qu'aucune convention sur le sujet n'avait été signée avec le chercheur, dont l'étude a par ailleurs été financée par l’association française des malades de la Thyroïde (AFMT).

 

L'affaire continue en justice

Mercredi prochain, le 10 avril, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse examine d’ailleurs une requête de Me Jacques Lévy qui veut de nouveaux experts afin d'attendre les 40 plaignants haut-garonnais qu'il défend et qui ont obtenu du TGI en novembre dernier l'obtention de l'ancienne formule du médicament. 

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En mars, 4113 malades, défendus par Me Leguevaques, ont été déboutés par le tribunal de Lyon. Ils dénonçaient un défaut d'information. Ils comptent faire appel et vont se porter partie civile au pénal.

Par ailleurs, une procédure pénale est en cours à Marseille. Une information judiciaire a été ouverte pour tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d'autrui en mars 2018, élargie en février 2019 au motif d'homicide involontaire après le décès d'une femme. Près de 7 000 plaintes ont été déposées. L'enquête doit durer plusieurs années. 

Sylvie Chéreau, fondatrice du collectif des victimes du nouveau Levothyrox en Occitanie