Commémorations des attentats de Toulouse et Montauban : la communauté juive entre douleur et résilience
Interview du Président du Crif Toulouse Midi-Pyrénées, Franck Touboul, 10 ans après les crimes du terroriste Mohamed Merah.
7 mars 2022 à 14h56 par Brice Vidal
Toulouse et Montauban se souviennent du monstre en ce mois de mars 2022.
Il y a 10 ans, Mohamed Merah un petit délinquant toulousain radicalisé tuait trois militaires à Toulouse et Montauban. Imad Ibn Ziaten 30 ans quartier de l’Hers à Toulouse le 11 mars, puis le 15 mars deux soldats de 23 et 25 ans étaient abattus près du 17e RGP de Montauban : Mohamed Legouad et Abel Chennouf. Une 3e victime Loïc Liber survivait miraculeusement.
Le 19 mars le tueur au scooter, pourtant activement recherché, commettait un massacre qui allait bouleverser la France, quartier de la Roseraie à Toulouse. A l'école juive Ozar Hatorah, il abattait froidement un professeur de l'école, Jonathan Sandler (30 ans) ainsi que ses enfants Arié (6 ans) et Gabriel (3 ans). La fille du directeur, Myriam Monsonego (8 ans) était abattue à bout portant. Tous tués parce qu'ils étaient juifs.
Des familles de victimes toujours meurtries
Aujourd’hui, les familles des victimes tentent de se reconstruire, chacune à sa façon, pour appréhender l’immense douleur, « Samuel Sandler qui a perdu son fils et deux de ses petits-enfants après avoir perdu sa famille dans les camps de concentration est d’une immense dignité et garde son émotion pour lui » explique admiratif Franck Touboul le président du Crif Toulouse/Midi-Pyrénées (Conseil représentatif des institutions juives de France). « Mr Monsonégo, extrêmement discret, s’est concentré sur la survie de l’école et ça l’a aidé ». Chez les familles de blessés ou ceux qui ont vécu l’attentat de près « il existe comme un non-dit qui relève plus de l’intime » confie-t-il.
La communauté juive de Toulouse amputée mais résiliente
Traumatisée, la communauté juive de Toulouse a connu des départs massifs dans les deux ou trois années ayant suivi l’attentat mais aujourd’hui « elle a envie de jouer un rôle de citoyen français impacté par cette vague terroriste ». Le Crif aimerait résorber au plus vite les fractures « je me mets aussi à la place de tous ces musulmans de France qui vivent paisiblement et entendent à longueur d’antenne des amalgames contre l’ensemble de leur communauté, c’est insupportable ».
Malgré tout, l’antisémitisme représentent plus de 70 % des actes racistes recensés en France « pour une population équivalent à moins d’1% » note Franck Touboul pour qui « c’est le cœur du réacteur de la machine raciste » en France. Il entend « consolider les valeurs républicaines » mais concède un échec dans la lutte contre « l’antisémitisme des banlieues et l’antisémitisme islamiste » pour lequel « les méthodes n’étaient pas les bonnes ». Il faut désormais faire face aussi à la problématique des réseaux sociaux « déversoir de haine » car « être contraint de dissimuler son judaïsme est totalement inacceptable ».
Les commémorations des 19 et 20 mars à Toulouse
Le 19 mars le traditionnel rassemblement est organisé square Charles de Gaulle à l’initiative du maire de Toulouse. Le 20 mars une journée de commémorations est prévue à la Halle aux Grains en présence d’Isaac Herzog le président israélien, Emmanuel Macron est également attendu. Un forum-débat sur la défense des valeurs de la République, laïcité et unité face aux menaces de l’islamisme est programmé. Suivra une cérémonie officielle à 16h45. Les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande seront présents, et le Crif Toulouse Midi-Pyrénées a convié l’ensemble des maires ou représentants des villes frappées par le terrorisme depuis 10 ans : Saint-Etienne du Rouvray, Nice, Marseille, Paris... Enfin en dernière partie, une pièce de théâtre « le nageur d’Auschwitz » avec le chanteur Amir et mise en scène par Steve Suissa, racontant la vie du Toulousain Alfred Nakache, sera jouée. Franck Touboul a l’espoir de voir les Toulousains « s’approprier cet événement ouvert à tous ».